Fragile comme du verre ? Vraiment ? D’accord, le verre se casse plus souvent que l’acier… mais s’il se casse, c’est qu’il est trop solide !
Le verre est un paradoxe car c’est une matière… paradoxale : il casse car il est solide ! Une matière qui réussit à être transparente en étant fabriquée essentiellement avec de la silice (du sable, quoi). Et elle plus résistante que l’acier à la compression : pour briser un dé de verre d’un centimètre cube, il faut une pression de 10 tonnes alors que l’acier s’est aplati avant.
En outre, le verre est l’un des matériaux les plus durs au monde : seuls le diamant et le carbure de tungstène peuvent le rayer. On n’en a pas toujours sur soi…
Alors comme dans la fable du chêne et du roseau, si malgré ces exploits de gros bras, il se brise à la moindre contrariété, c’est justement parce qu’il ne plie pas. Le verre, c’est le chêne alors que l’acier (ou la plupart des autres métaux communs), ce sont les roseaux.
C’est son manque d’élasticité qui rend le verre particulièrement cassant. Soumis à une pression, un métal va se déformer pour y résister alors qu’après une légère déformation initiale, le verre va se briser net, incapable de se déformer davantage.
Des électrons échangistes
La raison, il faut aller la chercher au fond des atomes. Ce qui fait l’élasticité (et donc la solidité) d’un métal, c’est que ses atomes ne sont pas égoïstes… Ils s’échangent facilement un grand nombre d’électrons qui se baladent ainsi indifféremment d’un atome à l’autre, créant un vaste bouillon de matière. Les atomes baignent dans cette soupe et peuvent ainsi facilement se réarranger après avoir été déformés.
Dans le verre, par contre, les liaisons atomiques sont dites « covalentes » : deux atomes ne partagent que deux électrons, ce qui est chiche. Donc ces liaisons sont très fortes… jusqu’à un certain point au-delà duquel, elles cassent irrémédiablement. Il est plus « économe » énergétiquement pour elles de créer une brisure que de continuer à assurer une liaison entre deux atomes qui s’éloignent.
Attention à la chaleur !
C’est ce qui fait notamment qu’un verre va se briser lorsqu’on y verse du liquide chaud. Comme toutes les matières, le verre se dilate si on le chauffe. De fait, la paroi intérieure du verre, au contact du liquide, va se dilater mais comme la paroi extérieure, au contact de l’air, va moins bouger, elle ne pourra pas encaisser l’infime déformation de la paroi intérieure et va donc se briser.
Pour finir de casser un mythe, il faut savoir que le verre est l’un des derniers grands mystères de la physique classique. Car si on sait en fabriquer depuis des millénaires, les scientifiques n’ont toujours pas compris ce qui se passe lors de la transition vitreuse. C’est-à-dire lorsqu’il passe de l’état fluide à l’état solide. Il y a comme ça des petits plaisirs, lorsque la science n’est pas totalement transparente…
Jean Luc Eluard
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