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Greta Thunberg (Suède) et Arya Stark (Game of Thrones) : jeunes, frondeuses et déterminées, envers la menace du réchauffement climatique pour Greta et envers la menace venue du froid pour Arya.
Per Grunditz/Shutterstock et Fandom, CC BY-NC-ND

Carine Sebi, Grenoble École de Management (GEM) et Laurent Muller

La dernière saison du phénomène mondial Game of Thrones était attendue par des millions de fans. La série n’est pas qu’un monde d’heroic fantasy survitaminé par un budget hollywoodien et des personnages complexes (féminins notamment), ce sont aussi des références qui nous parlent, historiques notamment : les familles Stark et Lannister renvoient ainsi aux Capétiens et Plantagenêts de la guerre de Cent Ans et Aerys Targaryen – dit « le roi fou » – au roi anglais Henri VI dont la mort a provoqué la guerre des Deux-Roses.

Même les scènes les plus marquantes de la série sont inspirées de faits historiques : la mort inattendue du Lord Commandant de la Garde de nuit rappelle Brutus et Jules César ; les traumatisantes Noces pourpres reproduisent le Dîner noir du roi d’Écosse ; et la troublante Marche de la honte de Cercei Lannister retrace l’histoire de Jane Shore condamnée pour libertinage dans les années 1480.




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Face à la menace climatique

Mais Game of Thrones n’est pas qu’un passionnant cours d’histoire : ce sont des thèmes universels (amour, religion, pouvoir, etc.) et des luttes de la société moderne qui se rejouent. Il décrit un monde multipolaire dans lequel l’unité politique s’est effondrée, faisant écho à notre réalité contemporaine depuis la fin de la guerre froide. La thématique du réchauffement climatique y est également bien présente.

« Winter is coming ». La célèbre devise de la maison Stark trouve son origine dans les hivers froids qui rythmèrent, à Chicago, l’enfance de George R.R. Martin, le créateur de la série. Mais pas que : en octobre 2018, ce dernier révélait dans une interview au New York Times les connotations politiques et les références au réchauffement climatique de son récit :

« Les gens, à Westeros, livrent leurs batailles individuelles pour le pouvoir, leur position sociale et leur prospérité. Et ils sont tellement focalisés là-dessus qu’ils ignorent la menace du “Winter is coming”, qui a le potentiel de les faire disparaître et de détruire leur monde. »

De 6 000 à 8 000 ans avant les événements qui agitent le Trône de fer, un hiver apparemment sans fin s’abattit sur le continent Westeros, faisant émerger des spectres (les Marcheurs blancs) qui auront presque anéanti le royaume des vivants lors de la longue nuit. Mais pour les héros de la fiction, ces Marcheurs blancs ne sont qu’un mythe. Pas de raison pour eux de s’en alarmer outre mesure, ni de se laisser détourner de la quête du Trône de Fer !

Dans Game of Thrones, la menace vient du froid, au nord du continent Westeros. Mais les rois et les reines mettent sept saisons de la série à prendre au sérieux les terribles Marcheurs blancs…
Abel Halasz/Shutterstock, CC BY-NC-ND

Sur Terre, il y a 56 millions d’années, lors de l’événement dit du maximum thermique au Paléocène-Ecocène, un afflux massif de carbone a fait grimper en flèche les températures et provoqua des sécheresses, des inondations, des invasions d’insectes et des extinctions d’espèces. Les scientifiques estiment que nous en dégageons aujourd’hui à peu près autant en brûlant toutes les réserves supposées de charbon, de pétrole et de gaz naturel de la planète : depuis l’ère industrielle, la température a augmenté de 1 degré.

Cersei Lannister, égoïste et sourde à la menace venant du froid.
Fandom

Quels parallèles peut-on dresser entre notre situation et celle de la série ? Et quelles raisons poussent ces deux mondes à ignorer la gravité de la situation ?

Ennemis sans État et « tragédie des communs »

Donald Trump, protectionniste et sourd à la menace climatique.
Nicole Glass/Shutterstock, CC BY-NC-ND

La menace des Marcheurs blancs (dans la série) et celle du réchauffement climatique (dans le monde réel) concernent tout le monde et il est dans l’intérêt de tous de faire les efforts nécessaires pour écarter le danger. Malheureusement, l’intérêt individuel entre en conflit avec l’intérêt général : il est plus avantageux de laisser faire les autres et de rester soi-même un « passager clandestin » profitant des efforts fournis par la communauté sans y contribuer. C’est la tragédie des communs qui aboutit, en théorie économique, à un échec de la coopération et à un résultat perdant-perdant.

Au nord de Westeros, un gigantesque mur de glace régenté par l’ordre des Gardes de nuit défend le royaume des Sept Couronnes. Autrefois, les grandes familles pourvoyaient l’ordre en y envoyant leurs fils. Aujourd’hui, c’est l’endroit où l’on expédie voleurs, violeurs et vauriens. L’ordre se trouve ainsi décrédibilisé et fragilisé.

Sur Terre, des politiques publiques climatiques sont (théoriquement) mises en place pour réduire les gaz à effet de serre et lutter contre le réchauffement climatique. L’investissement dans les énergies décarbonées et l’efficacité énergétique font l’objet de conférences mondiales – les COP – et d’accords qui représentent autant d’actions coûteuses. Ces accords volontaires sont eux aussi fragiles et ont récemment été mis à mal avec par exemple le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris. Donald Trump défait la politique climatique d’Obama et met fin « à la guerre contre le charbon ».




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Cette action, selon lui, permettra de « protéger les travailleurs américains et les entreprises américaines » de cet accord qu’il juge contraire à la souveraineté nationale. Donald Trump est la Cercei Lannister de Game of Thrones qui refuse d’envoyer ses troupes au Mur de glace.

Les sauvageons, nos réfugiés climatiques

Certaines régions du monde sont et seront de plus en plus touchées par le réchauffement climatique qui cause des exodes de populations entières particulièrement exposées et dépendantes de l’agriculture : l’Afrique subsaharienne, qui subit des sécheresses extrêmes et la dégradation des sols, l’Asie du Sud et du Sud-Est, région la plus exposée aux typhons et autres tempêtes, et les petits États insulaires, comme ceux des archipels du Pacifique, en première ligne face à la montée du niveau de la mer.

Selon l’ONU, d’ici 2050, le nombre de réfugiés climatiques pourrait atteindre entre 150 et 300 millions d’individus.

Aujourd’hui, ces personnes n’ont aucun statut au regard du droit international ; elles ne bénéficient donc pas de la même protection garantie à ceux qui fuient les guerres et les persécutions, par exemple. Pourtant, cette migration est déjà prise en compte dans les négociations internationales, comme dans le cadre de la COP23 de Bonn en 2017 ou de l’Accord de Cancun de 2010.

La métaphore des crises de migrants est également reprise dans Game of Thrones. Elle met en scène les Sauvageons qui vivent au-delà du Mur de glace, fuyant vers le sud pour échapper aux Marcheurs blancs.

Les sauvageons de Game of Thrones, exilés au-delà du Mur de glace.
Fandom

L’histoire récente a montré que le populisme est la rançon de l’impuissance européenne face à la crise des migrants. Incapable de gérer efficacement la pression migratoire de l’été 2015, l’Union européenne voit des politiques protectionnistes fleurir au sein des États membres. Ce désir de rendre les frontières étanches se retrouve de l’autre côté de l’Atlantique, au Brésil et aux États-Unis.

Et pourtant, cette pression migratoire n’est sans doute rien à côté de celle que pourront provoquer les conséquences désastreuses du changement climatique à moyen et long termes…

Happy-end ou un désastre humanitaire ?

Si les politiques climatiques internationales affichent leur bonne volonté, elles ne parviennent cependant pas à embarquer les États les plus importants dans une lutte efficace. Parviendra-t-on à mettre en place des mesures communes capables de changer à la fois notre manière de produire et de consommer l’énergie pour lutter contre cette menace planétaire ?

La réponse est peut-être à chercher du côté de la dernière saison de Game of Thrones – les Marcheurs blancs vont-ils régner et occuper le trône de fer à tout jamais ? Le salut viendra-t-il de la jeunesse frondeuse et déterminée, incarnée par Arya Stark (et Greta Thunberg dans la vraie vie) ? Les différents royaumes parviendront-ils à s’unir pour combattre ensemble la menace ? – ou dans cette sentence pleine de sagesse et de courage que l’instructeur Syrio Farel fit à Arya Stark, la jeune héroïne de la série :

« Il n’existe qu’un seul dieu, et il s’appelle la mort. Et nous ne disons qu’une seule chose à la mort : Pas aujourd’hui. »The Conversation

Carine Sebi, Assistant Professor – Economics, Grenoble École de Management (GEM) et Laurent Muller, Chargé de recherche à l’INRA au laboratoire GAEL – spécialiste en économie expérimentale et économie comportementale

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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