PHOTO : Aurélien PRUDOR / CNRS

Une étude pilotée par Henri Weimerskirch du Centre d’études biologiques de Chizé démontre que des oiseaux marins sont capables de prédire l’arrivée d’un cyclone et de changer de comportement pour l’éviter. Une première.

 

Les oiseaux marins tropicaux sont-ils capables de prédire l’arrivée d’un cyclone, et de les éviter ? Jusqu’à une date récente, ces questions étaient restées sans réponses. Mais le hasard faisant bien les choses, une équipe du Centre d’études biologiques de Chizé (CNRS/Université de La rochelle), travaillant sur le comportement alimentaire des fous à pieds rouges et des frégates du Pacifique, a pu « profiter » du passage des cyclones Guito sur l’île d’Europa (îles Eparses) et PAM sur la Nouvelle-Calédonie pour résoudre cette énigme.

« Cela nous a donné une occasion unique de comprendre comment ces oiseaux réagissaient à l’arrivée d’un cyclone », se réjouit Henri Weimerskirch, responsable de l’Équipe “Écologie des Oiseaux et Mammifères Marins” à Chizé. Et les résultats de cette étude publiée dans Scientific Reports, forcent l’admiration.

Les oiseaux marins sont capables d’éviter les cyclones

Lorsque le centre du cyclone est encore à plusieurs centaines de kilomètres, les juvéniles des deux espèces restent dans leurs colonies. Les frégates adultes font de même alors que les fous adultes poursuivent leur quête de nourriture en mer. Lorsqu’ils sont confrontés à des conditions cycloniques en mer, les oiseaux adultes des deux espèces adoptent à nouveau des stratégies différentes : « les frégates font le choix de monter à haute altitude, avant de contourner (ensemble et à grande vitesse) l’œil du cyclone », tandis que les fous se déplacent pour éviter le cyclone, mais choisissent de rester au niveau de la mer.

Ces stratégies, tout aussi efficaces l’une que l’autre, « sont liées à leur différences de morphologies et à de capacités de vol ». Les fous utilisant les vents pour se déplacer, là ou les frégates (dont l’envergure est plus grande) préfèrent les ascendances thermiques.

Mouvement de contournement du cyclone Guito par une frégate du Pacifique : les mesures de vitesses et d’altitude montrent que lorsque l’oiseau est au plus près de l’oeil du cyclone, il monte à plus de 1 600 mètres d’altitude et se déplace à 100 km/h. Source : CEBC

Un comportement inné, mais sacrément bluffant

Pour les plus jeunes, le choix de rester sur place « représente la moins mauvaise des options », estime Henri Weimerskirch, même si la mortalité est parfois importante lors des épisodes les plus intenses.

Comment ces jeunes oiseaux pressentent-ils l’arrivée imminente d’un événement cyclonique, auquel ils n’ont jamais été confronté ? Cette énigme n’est pas encore totalement résolue. « Nous ne savons pas encore ce que les oiseaux sont capables de percevoir précisément, mais nous découvrons tous les jours de nouvelles compétences incroyables et insoupçonnées », s’enthousiasme ce spécialiste des oiseaux marins. Sans doute sont-ils sensibles aux conditions de vent, « mais aussi aux changements de direction du champ magnétique, de la pression atmosphérique, ou aux infrasons ». Autant de compétences dont les humains, qui préfèrent se fier aux technologies modernes de prédiction, sont bien dépourvus.

A défaut de pouvoir imiter les oiseaux marins, il nous reste à les admirer sans réserve.

 

Alexandrine Civard-Racinais

Les fous à pieds rouges adultes sont des oiseaux plus robustes que les frégates. PHOTO : Alexandrine Civard-Racinais

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