Les gorgones rouges abritent de nombreuses espèces de la Méditerranée. Mais cette espèce caractéristique des récifs coralligènes de la grande bleue est mise en péril par le réchauffement climatique. Pour déterminer son état de santé au sein du Parc national des calanques de Marseille, des scientifiques ont initié, en 2022, un programme de recherche qui allie sciences participatives et intelligence artificielle. Aujourd’hui, ils tirent la sonnette d’alarme

Les gorgones rouges (Paramuricea clavata) abritent 15 à 20 % des espèces connues en Méditerranée. « Elles forment de larges colonies qui se fixent sur les substrats rocheux des fonds marins situés entre quelques mètres et environ 110 mètres de profondeur. Et servent d’habitat à de nombreux poissons et autres mollusques, notamment d’intérêt commercial, et de nurserie », indique Quentin Schull, chercheur en écophysiologie au laboratoire halieutique Méditerranée de l’Ifremer au sein de l’unité mixte de recherche « biodiversité marine, exploitation et conservation (MARBEC) » (CNRS, IFREMER, IRD, INRAE, Université de Montpellier) à Sète.

Mais cette espèce de gorgonaire est mise en péril par le changement climatique, comme en témoigne l’épisode d’« incendie » sous-marin qui s’est déroulé l’été 2022 en Méditerranée : dans la zone située entre 0 et 30 mètres, une vague exceptionnelle de chaleur marine a provoqué une mortalité massive des gorgones rouges. Dans les tranches de profondeurs situées entre la surface et 20 m, plus de 80 % des colonies de gorgones rouges ont été touchées par des nécroses, et sur certains sites et ce jusqu’à 30 m de profondeur, jusqu’à 90 % de mortalité a pu être observée.

DEEP-AI mesure l’impact du changement climatique sur la santé des gorgones

Le phénomène n’est pas nouveau : « D’autres épisodes de mortalité massive de gorgones ont été observés dans le passé, en 1999, 2003, 2006, 2009, 2014 et 2018 », remarque Bastien Mérigot, maître de conférences en biologie-écologie à l’Université de Montpellier et au sein de MARBEC à Sète.

Pour déterminer l’impact du dérèglement climatique sur la distribution et la santé des gorgones au sein des fonds coralligènes du Parc national des calanques de Marseille, les deux chercheurs ont initié le projet « DEEP-AI » en 2022, avec plusieurs partenaires*.

L’alliance des sciences participatives et de l’intelligence artificielle

« Ce projet couple une approche en sciences participatives pour collecter des données photographiques en plongée scaphandre et des méthodes d’intelligence artificielle pour analyser ces images qui représentent une source d’information importante », explique Quentin Schull. Maintenant que l’étude de faisabilité a été réalisée, des plongeurs loisirs de niveau 2 et 3 vont pouvoir contribuer en prenant des photos de gorgones, vivantes ou mortes, et en géolocalisant leurs images lors du téléversement de celles-ci dans une plateforme informatique. Des informaticiens ont mis au point un algorithme qui permet de détecter automatiquement l’espèce photographiée et son état de santé (pourcentage de nécrose).

Établir une carte du taux de nécrose en fonction des zones de la Méditerranée

Une carte restituera les taux de nécrose et de mortalité selon le site photographié. Bastien Mérigot précise : « À court terme, nous souhaitons étendre la zone d’étude à la Corse, au littoral de l’Hérault et des Pyrénées orientales, en sollicitant des clubs de plongée. À plus long terme, le réseau pourrait s’étendre à d’autres pays méditerranéens. »  

*Septentrion environnement, le Laboratoire d’informatique et des systèmes (LIS), le CNRS, l’Université d’Aix-Marseille, l’IFREMER LER Provence-Azur-Corse.

Florence Heimburger

Avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

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