L’errance thérapeutique est-elle bientôt terminée pour les patients atteints de douleurs neuropathiques. La piste d’un antidépresseur qui cible la sérotonine associé à une molécule activatrice des transporteurs de chlore semble très prometteuse. Pascal Fossat, neuroscientifique bordelais qui a participé à cette étude scientifique, raconte la découverte du mécanisme qui ouvre la voie de cette nouvelle thérapie

Après un accident vasculaire cérébral (AVC), une sciatique ou une banale opération, les lésions de nerfs, de la moelle épinière ou du système nerveux central (SNC) provoquent des neuropathies qui peuvent générer des douleurs chroniques. Sensation de froid, de brûlure ou de douleurs articulaires, musculaires ou au toucher ; voici un panel des tourments subis par 8 % de la population française. Les opiacées et les antalgiques classiques comme le paracétamol ne font plus effet au bout d’un certain temps et présentent pour certains un risque de dépendance.

Aujourd’hui, ces douleurs neuropathiques sont soignées avec des antiépileptiques et certains antidépresseurs. Mais les antidépresseurs ne diminuent la douleur de moitié que pour un patient sur 3.

Antidépresseur et booster de transporteur de chlore : un cocktail antidouleur détonnant

 « Nous avons essayé de comprendre pourquoi certains antidépresseurs, ceux qui ciblent la sérotonine, n’ont aucun effet sur les douleurs chroniques de type neuropathique », explique Pascal Fossat, professeur à l’Institut des maladies neurodégénératives (IMN).

En juillet 2022, une équipe de scientifiques bordelais et québécois dont le professeur Fossat présente le mécanisme d’action de ces molécules dans Science Advances. Les résultats mènent à une piste de traitement très attendu : les antidépresseurs à sérotonine, type Prozac, associés à des molécules qui rétablissent l’équilibre du chlore dans la cellule nerveuse recouvrent leur activité antalgique.

Le chlore, acteur majeur sur l’activité de filtre de la douleur des réseaux de neurones

Et comment ça marche ? Pascal Fossat raconte : « Chez des souris normales, la stimulation des neurones à sérotonine a un effet antalgique. En revanche, chez les souris neuropathiques, les mêmes stimulations ont l’effet inverse. Les souris ont encore plus mal. Selon nos partenaires canadiens, ce résultat surprenant s’expliquerait par un déséquilibre du chlore, qui joue un rôle important dans l’activation des neurones. Or, chez les patients atteints de neuropathie, le chlore s’accumule dans les cellules ».

Une inactivation des filtres antidouleur

Le chercheur ajoute : « Le déséquilibre du chlore empêche l’activation des réseaux neuronaux qui filtre la douleur. Tout n’arrive pas au cerveau, ce serait insupportable ! Par exemple, quand vous vous cognez le coude contre une table, vous avez le réflexe de vous frotter. Cette action active un réseau inhibiteur de la douleur qui vous soulage immédiatement. Le système inhibiteur ne laisse passer que ce qui est dangereux et peut générer du désordre dans l’organisme. En ajoutant la molécule boosteuse de chlore développée par les Québécois, nous avons aujourd’hui une combinaison thérapeutique qui rétablit les filtres « anti-douleur ». Il faudra entre 5 à 7 ans pour la tester sur de plus gros animaux et sur les patients douloureux ».

Propos recueillis
par Sophie Nicaud

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