Les sentiments d’injustice sont nombreux selon le montant de sa retraite, son sexe, son âge, son statut, etc. Notre système de retraite perpétue-t-il voire même accentue-t-il les inégalités de la société ? Notamment envers les femmes
Commençons par le montant des retraites. A priori, en moyenne, les retraités s’en tirent pas mal avec un niveau de vie légèrement supérieur à celui des actifs. Mais à y regarder de plus près, on constate parmi les retraités de grandes disparités.
Selon l’Insee, on compte ainsi, parmi les plus de 65 ans, 8,6 % de retraités considérés comme pauvres, soit plus d’un million de personnes. Force est aussi de constater, comme indiqué dans un précédent article de Curieux, que nous ne sommes pas tous égaux quant à l’espérance de vie et du temps à profiter de sa retraite. Et ce en fonction de son origine sociale ou de la pénibilité de son métier.
L’une des inégalités les plus flagrantes réside également dans le grand écart de 39 % entre les pensions de droit direct des femmes et celles des hommes, toujours selon une étude Insee 2022 (1). Avec une plus grande intégration des femmes au marché du travail et des postes plus qualifiés, cet écart diminue. Il était ainsi de 46 % en 2004, mais on reste pour autant bien loin d’une égalité de traitement. Et cerise sur le gâteau : selon le conseil d’orientation des retraites (COR), même en 2060, l’écart sera encore de 25%.
40 % d’écart des montants de pension entre hommes et femmes
Comment expliquer cette différence ? Les femmes, bien souvent, ont des montants de retraite moindre de par des parcours professionnels interrompus liés aux périodes de maternité ou d‘éducation des enfants. Mais aussi à cause d’emplois à temps partiels plus fréquents et également à cause des différences salariales entre les sexes qui perdurent.
On pourrait dès lors penser que cet écart des pensions n’est après tout que le reflet des inégalités de salaires appliquées sur le marché du travail. Que nenni ! Les salaires des femmes sont inférieurs à ceux des hommes dans une fourchette allant de 17% et 28%, l’écart sur les pensions de retraite, lui, bondit à presque 40%. La retraite voit donc une explosion de cette inégalité.
Notre système de retraite, loin de corriger cette inégalité, l’accentue. Et ce même si des droits maternité depuis 1972 (2) ont été mis en place. Avec la réforme en cours de débat parlementaire, qui prévoit un report de l’âge légal à la retraite, ce serait surtout les mères de catégories populaires ou moyennes, ayant fait peu d’études et ayant commencé à travailler jeune, qui payeraient les pots cassés, selon l’Observatoire des inégalités.
De même, selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DRESS, 2022) dépendant du ministère de la Santé, les femmes liquident aujourd’hui leurs droits à la retraite 7 mois après les hommes.
Bref, les femmes travaillent plus longtemps et touchent une moins bonne retraite. Elles en bénéficient quand même plus longtemps, leur espérance de vie étant supérieure de 6 ans à celle des hommes.
Les plus de 55 ans sur la touche
On peut également interroger la question de l’emploi des plus de 55 ans. Selon une étude de la Dares, du ministère du Travail, seuls 56 % des 55-64 ans étaient en emploi en 2021. Le faible taux d’employabilité des seniors, inférieur à celui d’autres pays européens, est là aussi vécu comme une injustice.
Cette situation ne facilite pas l’obtention de toutes ces annuités pour prétendre à la retraite ou pour atteindre une pension à taux plein. Cette difficulté à trouver un emploi lorsqu’on dépasse les 55 ans et encore plus les 60 ans, est due, bien souvent, à la frilosité des entreprises qui craignent des problèmes d’adaptation. Mais aussi à leur réticence à financer des formations sachant que la personne partira bientôt. Sans compter le coût qui est le premier frein : les seniors pouvant prétendre à des salaires plus élevés.
Cette inégalité, liée cette fois directement au marché du travail, pourrait être corrigée en partie selon le gouvernement. Avec la proposition de réforme du système de retraite, il escompte qu’un report de l’âge légal de départ à la retraite de 2 ans inciterait davantage les entreprises à embaucher des seniors. Pour les opposants à la réforme, les leviers seraient surtout d’encourager les entreprises à les embaucher, d’améliorer les conditions de travail et les possibilités d’évolution.
Les fonctionnaires sont-ils mieux traités ?
« Ah, les fonctionnaires, c’est sûr ils s’en tirent mieux ». Le préjugé est tenace notamment chez les salariés du privé qui le vivent parfois comme une injustice. La pension des fonctionnaires est en effet calculée sur leur dernier salaire, contrairement aux salariés du privé où le calcul se fait sur leur salaire annuel moyen des 25 meilleures années, ce qui est moins intéressant. En revanche, pour les fonctionnaires, leurs primes, soit 20% environ de leur rémunération n’est pas prise en compte. Et ceux du privé, eux, en revanche, touchent une retraite complémentaire. Résultat des courses : pour tous, le niveau de retraite est quasi équivalent, soit autour de 60 à 70% du montant de son dernier salaire.
(1) Si on l’ajoute les pensions de réversion, touchées par les veuves, cet écart avec les hommes est réduit à 24 %.
(2) Pour tout enfant né ou adopté, 8 trimestres supplémentaires sont accordés : 4 trimestres en contrepartie de la maternité ou de l’adoption et 4 trimestres en contrepartie de l’éducation de l’enfant (cette part étant partageable avec le père). Il existe aussi des majorations pour un 3ème enfant.
Marianne Peyri