Depuis 2012, la mortalité infantile repart à la hausse en France, selon une étude récente. Si les causes de ce phénomène restent inconnues, plusieurs hypothèses ont été émises dont le manque de moyens alloués à la pédiatrie française. Celle-ci appelle au secours, en pleine épidémie de bronchiolite précoce et virulente

Après une baisse continue depuis la Seconde Guerre mondiale, la mortalité infantile, indicateur clé de la santé d’une population, augmente de nouveau en France ces dernières années. C’est ce qu’ont observé une équipe de chercheurs de l’INSERM du Centre de recherche en épidémiologie et statistiques à Paris, du CHU de Nantes et du CépiDc, et de l’AP-HP en collaboration avec des équipes de l’Université de Californie. Leurs travaux publiés dans la célèbre revue The Lancet montrent que, depuis une dizaine d’années, les morts de nourrissons de moins de 1 an augmentent au rythme de 0,04 mort pour 1000 naissances vivantes par an en France. Et ce, sans que les causes en soient clairement identifiées.

Entre 2012 et 2019, le taux de mortalité infantile est passé de 3,32 décès pour 1000 naissances vivantes à 3,56, soit une hausse de 7 % en moins de dix ans. Des chiffres qui placent la France en 25e position en Europe en matière de santé pédiatrique selon les données Eurostat, et l’éloigne de la Suède, de la Finlande, de la Norvège et de l’Italie, dont les taux de mortalité infantile sont inférieurs. Or, « en parvenant à un taux équivalent aux pays scandinaves, cela signifierait 1200 décès de moins chaque année en France, ce qui est considérable », a expliqué à 20 Minutes le professeur Jean-Christophe Rozé, président de la Société française de néonatalogie et coauteur de l’étude.

Plusieurs causes possibles

Quelles sont les causes possibles de cette hausse ? Impossible à dire car les données manquent, contrairement à d’autres pays d’Europe. L’étude se contente donc d’émettre des hypothèses, déjà identifiées précédemment, comme : « l’augmentation continue de l’âge des mères, la part de femmes fumeuses pendant la grossesse ou l’augmentation de la part de femmes en surpoids ou obèses » évoquées en juillet 2021 dans un rapport de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees).

Plus d’un enfant sur quatre vit sans pédiatre à proximité

Autres pistes évoquées par des néonatologues : l’affaiblissement du réseau des services de protection maternelle et infantile (PMI), les problèmes de démographie médicale, les déserts médicaux et autres fermetures de lits à l’hôpital faute de personnel…

Aujourd’hui, plus d’un quart des Français (27,5 %) vit loin d’un pédiatre (à plus de 45 minutes), selon une carte interactive publiée le 8 novembre 2022 par l’association UFC Que Choisir, qui appelle à une mobilisation sur les réseaux sociaux pour lutter contre la fracture sanitaire. Pour le docteur Laurent Dupic, responsable du Smur (Service médicale d’urgence) pédiatrique à l’Hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP) à Paris, « il y a bien des mises en danger d’enfants », alerte-t-il dans Le Quotidien du médecin du 07 novembre.

Une pétition des médecins envoyée à Emmanuel Macron

Le 22 octobre, plus de 7000 soignants en pédiatrie avaient adressé une lettre ouverte à Emmanuel Macron pour l’alerter de la saturation des services hospitaliers liée à l’épidémie de bronchiolite et au manque de moyens et de personnel.

Dans ce contexte, le ministre de la Santé François Braun a promis le 2 novembre 2022 aux professionnels du secteur de débloquer environ 400 millions d’euros pour faire face aux difficultés. Des mesures critiquées par de nombreux pédiatres qui les jugent « non structurelles », court-termistes et qui doivent encore être financées dans le projet de budget de la Sécurité sociale…

Les Assises nationales de la pédiatrie prévues au printemps 2023 doivent permettre l’élaboration de la feuille de route du secteur pour les années à venir.

Florence Heimburger

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