Photo Catherine de TorquatA Limoges, les plus pauvres peuvent désormais être soignés par des médecins bénévoles

Aidé par des médecins bénévoles et des dons, le dispensaire Saint-Martial de Limoges est le premier en France à donner gratuitement des soins coûteux. Une exception qui répond à une anomalie de la législation. Et qui rencontre un succès qui en dit long sur les besoins.

« On peut enfin faire vivre la fraternité. C’est le troisième volet de la devise qui est sur les frontons des mairies mais on n’en parle jamais, on a un peu tendance à l’oublier. » Alain Bourion a la solidarité dynamique et joyeuse. Militante aussi. De celle qui va droit au but. Le dispensaire Saint-Martial est né d’un « collectif de copains d’associations différentes. On parlait du problème et on s’est dit « chiche qu’on monte un truc ».

Un truc ? Et quel truc ! Le premier établissement de santé en France entièrement gratuit pour les soins les plus onéreux. Ceux que l’on abandonne en premier lorsqu’on a du mal à boucler les fins de mois : les soins dentaires, l’ophtalmologie et la dermatologie parce que « les médicaments y sont chers et peu remboursés et ce sont des pathologies fréquentes chez les personnes âgées à faibles ressources. Et aussi chez les gens qui vivent dans la rue. »

Trou de réglementation

Le premier établissement, le seul aussi. Alors que les besoins sont énormes. Mais ne sont pas couverts. Pour une raison très simple et Alain Bourion s’emporte : « Parce que c’est encore un trou dans notre réglementation. Dans ce pays, on n’est pas foutu de faire de la progressivité ! Le seuil de ressources pour avoir la CMU, c’est 760 €. Mais on n’est pas plus riche avec 761 € qu’avec 759 bon sang ! »
Alors les gens qui viennent à Saint-Martial, ce sont justement tous ceux là. Ceux qui sont tombés dans le trou de la réglementation. Et il y en a : ceux qui n’ont pas de couverture sociale, même pas de CMU parce qu’ils ont perdu leurs documents  et que « le temps de tous les refaire, on peut tomber malade dix fois » ou parce qu’ils sont en situation irrégulière.

Il y a aussi et surtout la cohorte de ceux qui ont une couverture maladie mais n’ont pas les moyens de se payer ces soins mal remboursés : « Il y a plus des deux-tiers de ceux qui sont à la CMU qui ont renoncé à ces soins. C’est à nous de leur rendre l’espérance. Il faut voir comme, du jour au lendemain, il y a des gens qui sortent d’ici métamorphosés. Quand on leur met un appareil dentaire par exemple… »

18 médecins bénévoles

Aussi incroyable que cela puisse paraître, le dispensaire Saint-Martial est le premier à essayer de combler ce trou, tout comme l’Ordre de Malte, qui le coordonne, essaie dans d’autres de ses établissements de santé en France d’aller là où l’Etat est défaillant. Alzheimer, autisme, grand handicap : le plus vieil organisme caritatif du monde s’inscrit dans les creux, panse les vides.

A Limoges, les anciens « Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jerusalem » (nés en 1048) gèrent les petits 85 mètres carrés prêtés par la ville où exercent 18 médecins bénévoles, des retraités qui se sont réinscrits à l’Ordre de leur spécialité pour être de cette aventure un peu particulière : « C’est passionnant pour eux, cette façon de travailler dans l’esprit de la médecine. Il n’y a aucun argent en jeu. Il y a un tronc à l’accueil, pour que les gens laissent ce qu’ils veulent parce qu’on ne fait pas la charité. » Et beaucoup donnent.

450.000 euros d’équipements

Car c’est le don qui a équipé le centre. Mis à part le matériel dentaire, acheté grâce à une bourse de mécénat, tout le reste a été donné : « Une fois terminé, puisqu’il a fallu s’assurer quand même, tout a été estimé à 450 000 €. » Un particularisme limousin ? La rumeur prête à cette région ce soin de l’autre qu’on ne trouve pas ailleurs et Alain Bourion n’est pas loin de penser que ce prêt est un don : « C’est vrai que des gens se sont mobilisés sans qu’on leur demande. Beaucoup nous ont aidés financièrement sans qu’on les sollicite. » Ouvert à la rentrée 2017, le dispensaire a vu passer 156 patients différents pour 400 consultations lors de son premier exercice. Le temps de se roder sans doute et peut-être d’ajouter plus tard une autre spécialité coûteuse : l’ORL où les appareils auditifs coûtent également cher. Et éventuellement d’inclure l’association Habitat et Humanisme dans l’aventure puisque « le logement et la santé sont les deux piliers pour réinsérer ceux qui sont tombés de la branche. » Ici, on fait pousser une forme inédite de solidarité. En attendant que ça prenne ailleurs.

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