Le miroir principal qui permettra au plus grand télescope au monde de chercher la vie extraterrestre, est conçu par l’antenne poitevine du groupe Safran. Un projet pharaonique pour une prouesse technologique sans précédent.
L’événement est autant régional que mondial… pour ne pas dire interplanétaire !
Le groupe Safran Electronics & Défense, leader mondial en matière d’optronique (optique et électronique), a remporté l’appel d’offre européen pour travailler à la conception de l’ELT, le plus grand télescope au monde. C’est un exploit technologique d’envergure qui se joue dans l’usine basée à Saint-Benoît, près de Poitiers. Il s’agit pour ce centre d’excellence industrielle de réaliser la partie optique : le polissage et l’intégration du plus grand miroir parabolique, le M1, de 39 mètres de diamètre. Les trois autres, plus petits, le sont sur d’autres sites du groupe.
« L’objectif est de voir toujours plus loin et toujours mieux. Si on cumulait l’image de tous les observatoires actuels dans le monde, on verrait deux fois moins bien que celui qu’on est en train de fabriquer, affirme le directeur du site poitevin, Guillaume Oulié. On pourrait y rentrer la statue de La Liberté ! On verra 15 fois mieux que le télescope Hubble. »
Un autre avantage par rapport à Hubble est sa situation sur Terre (au Chili, dans la Cordillère des Andes) et non dans l’Espace, ce qui en facilitera sa maintenance.
Objectif premier : détecter des étoiles 16 fois moins lumineuses, observer les exoplanètes afin de tenter de repérer des zones habitables en dehors du système solaire, notamment par la présence de certains gaz, qui indiquerait de la vie possible.
L’autre objectif est de valider des théories physiques sur la genèse de l’Univers, la formation des étoiles, etc.
L’enjeu est à la hauteur de la technologie mise en œuvre chez Safran
Le principe ? Le miroir primaire, M1, va collecter un maximum de lumière et permettra la focalisation sur le M2, miroir secondaire de 4,20 m de diamètre. Puis la lumière sera de nouveau redirigée vers les miroirs plus petits. « L’image reçue par l’image M1 est renvoyée sur le M2 qui va corriger en temps réel l’aberration optique liée à l’atmosphère, grâce à des moteurs qui vibrent à plusieurs centaines de Hertz, en faisant l’onde inverse, pour renvoyer l’image pure. » Un peu comme lorsque Batman projette son logo dans le ciel, une fausse image sera envoyée en temps réel dans l’atmosphère, afin de corriger informatiquement ces aberrations qui donnent l’effet de scintillement à l’œil nu.
Pour former le Miroir 1, Safran doit fabriquer 798 segments hexagonaux (plus 133 autres de remplacement) parfaitement alignés et usinés avec une précision de l’ordre du nanomètre. Ce polissage du miroir est l’étape cruciale et méticuleuse dont dépend la précision du télescope. « Précision telle que les défauts seraient plus petits qu’une coccinelle si chaque segment faisait la taille de la France entière. » A l’échelle atomique, une fragilité de l’ordre d’une feuille de papier calque.
Un projet d’usine 4.0
Cette réalisation est l’occasion de mettre en place une usine du futur, concept industriel avec des moyens d’usinage interconnecté. Alors qu’elle n’est pas encore opérationnelle, les opérateurs peuvent déjà y travailler de manière virtuelle, grâce aux machines tournant déjà dans un logiciel et à des lunettes à réalité augmentée. « Cela permet de valider nos process ou de les changer. On est capable, par exemple, de déplacer un miroir dans l’usine, ou, si une machine tombe en panne, de calculer automatiquement comment les segments usinés peuvent être déviés, ou encore savoir à quel stade de fabrication en est tel ou tel segment, à quel moment il vaut mieux faire la maintenance d’une machine de manière préventive… »
A Poitiers, entre 40 et 50 personnes seront à l’œuvre pour ce projet de plus grand observatoire destiné à la recherche astronomique que l’humanité a construit à l’heure actuelle, et qui verra le jour en 2024.
Marion Valière Loudiyi