Quand le thermomètre grimpe, les papillons trinquent. Les populations girondines de l’azuré des mouillères, un papillon des zones humides, pourraient même disparaître à l’horizon 2050-2070

« L’Azuré des mouillères fait partie des papillons que les générations futures n’auront peut-être pas la chance d’admirer », déplore Fanny Mallard, coordinatrice scientifique du  programme Les Sentinelles du climat*, porté par l’association Cistude Nature. Les premiers résultats** de ce vaste programme, visant à comprendre et prédire les effets du changement climatique sur la biodiversité de Nouvelle-Aquitaine, n’augurent en effet rien de bon pour l’azuré et ses compagnons.

Alerte au réchauffement climatique 

En Nouvelle-Aquitaine, la température moyenne a déjà augmenté de + 1,5°C entre 1900 et 2006 (source : Acclimaterra). La succession de printemps-étés chauds et secs est particulièrement défavorable aux espèces inféodées aux landes humides comme l’Azuré des mouillères ou le Damier de la succise, qui supportent mal des températures de plus de 35°C.

Le réchauffement climatique accentue en outre l’assèchement des zones humides, déjà malmenées par de nombreuses activités humaines, faisant disparaître les habitats et les plantes hôtes des chenilles de ces papillons.

Cette lande humide, près de Lacanau en Gironde, est caractéristique des milieux fréquentés par l’Azuré des mouillères. C’est là que pousse sa plante-hôte : la gentiane des marais. PHOTO Fanny Mallard

Sale temps pour l’Azuré des mouillères

Pour lire l’avenir plus précisément que dans une boucle de cristal, les scientifiques impliqués dans le programme ont modélisé la diversité actuelle et future des populations des espèces de papillons selon les scénarii du GIEC. Et les nouvelles ne sont pas bonnes.

 « Il existe un fort risque de disparition des populations girondines de l’Azuré des mouillères en 2050-2070 ». Seules quelques populations de ce beau papillon bleuté aux capacités de dispersion limitées pourraient survivre dans des zones plus fraîches du Limousin ou des Pyrénées. Le Damier de la succise trouvant pour sa part refuge à l’Est de la Dordogne et en Charente Maritime.

Une perte de diversité importante

La diversité des espèces de papillons inféodés aux pelouses sèches ou aux zones de montagne est également menacée. « Quel que soit le milieu concerné, si le scénario du pire se confirme (voir encadré) de nombreuses espèces de papillons vont voir leurs populations s’effondrer », prévient Fanny Mallard (Cistude Nature/UMR Passages CNRS). « Même dans le cas le plus optimiste, on s’attend à une perte de diversité », qui ne sera pas sans conséquences.

En participant à la pollinisation des fleurs, les papillons rendent des services écosystémiques aux hommes, sans compter le bonheur que leur vue nous procure. Ils constituent aussi le premier maillon de la chaîne alimentaire d’un grand nombre d’animaux qui seront donc également affectés.

Des ilots de fraîcheur pour limiter la casse

Comment passer de la connaissance à l’action pour atténuer les effets et méfaits du réchauffement climatique ? C’est tout l’enjeu d’une deuxième phase de travail qui devrait débuter dans le courant de l’année 2022. Le maintien ou la restauration d’une mosaïque d’habitats fait partie des pistes envisagées.

« Les besoins de la flore et de la  faune se rejoignent. L’un et l’autre ont besoin de zones variées. Garantir une mosaïque d’habitats permettrait de rendre l’écosystème plus résilient face aux aléas », estime Kevin Romeyer, botaniste au Conservatoire botanique national sud-atlantique (CBNSA). « La création d’ilots de fraîcheur favorisant la survie des espèces sensibles permettra peut-être de limiter la casse », espère pour sa part Fanny Mallard. Ce qui n’exonère en rien les individus, les entreprises et les états de faire leur part pour réduire leurs émissions de gaz a effet de serre.

Alexandrine Civard-Racinais

Photo d’ouverture Justine Poujol

* Le programme Sentinelles du climat est soutenu par l’Europe, la Région Nouvelle-Aquitaine, le département de la Gironde et le département des Pyrénées-Atlantiques.

** La restitution de leurs travaux s’est déroulée le 26 novembre 2021 à l’hôtel de Région, à Bordeaux.

De nouveaux venus

Les scientifiques notent aussi l’arrivée de nouvelles espèces. C’est le cas de l’Azuré porte-queue, espèce d’affinité méridionale, fréquemment observée sur la lande humide de Brousteyrot, dans la réserve de Saucats-La-Brède. Les milieux secs de plaine accueillent de leur côté la Mélitée andalouse. Et le Voilier blanc, une autre espèce venue d’Espagne déjà présente dans les Pyrénées-Orientales, pourrait bientôt s’installer en Nouvelle-Aquitaine et y supplanter le Flambé.

La baisse de la biodiversité dans les différents scénarios du GIEC*

  • Le pire scénario (RCP 8.5) : 50 % de probabilité d’aboutir à un réchauffement global supérieur à + 4 °C, se traduisant par une aggravation de la perte de biodiversité
  • Le scénario médium (RCP 4.5) : 50 % de probabilité d’aboutir à un réchauffement global de + 2,2°C, se traduisant par une stabilisation de la perte de biodiversité
  • Le scénario optimiste (RCP 2.6) : 50 % de probabilité d’aboutir à un réchauffement global de + 2 °C, se traduisant par une atténuation de la perte de biodiversité. Scénarios établis en fonction des profils d’évolution des concentrations de GES (RCP, pour Representative Concentration Pathways)

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