La guerre en Ukraine fait craindre la survenue de problèmes nucléaires. Pour faire face à toute éventualité, les Français sont de plus en plus nombreux à chercher des pastilles d’iode. Mais à quoi servent-elles réellement ? Décryptage

1- L’iode stable protège de tous les dangers d’une exposition accidentelle à la radioactivité : FAUX

La glande thyroïde a besoin d’iode pour élaborer les hormones thyroïdiennes qui régulent le métabolisme de l’organisme. Or, lors d’un accident nucléaire, des iodes radioactifs s’échappent de la centrale et peuvent être absorbés, par inhalation ou ingestion d’aliments/eau contaminés, par la thyroïde. Cela augmente alors le risque de cancer de cette glande, en particulier chez les enfants.

« En cas d’accident nucléaire, la prise de comprimés d’iode stable (ou iodure de potassium) en dose massive sature la thyroïde et peut empêcher cet organe d’absorber l’iode radioactif rejeté dans l’environnement« , explique le docteur Yann Godbert, spécialiste du cancer de la thyroïde et chef du service de médecine nucléaire à l’Institut Bergonié, le Centre de lutte contre le cancer situé à Bordeaux.

Et d’ajouter : « Mais seule la thyroïde est protégée et uniquement contre l’iode radioactif. En effet, le médicament ne préserve pas des autres éléments radioactifs rejetés comme les césiums 134 et 137. Toutefois, contrairement à l’iode 131 (radioactive), qui est très volatile, ces deux produits de fission de l’uranium sont trop lourds pour voyager avec les nuages. Ils restent dans un périmètre de 500 kilomètres. L’Ukraine serait contaminée par ces césiums, la France non. »

2- Des comprimés d’iode stable peuvent être pris en prévention : VRAI et FAUX

Les comprimés d’iode stable doivent être administrés en situation accidentelle et uniquement sur instruction des autorités de santé publique. « Pour être efficace, le comprimé doit être ingéré idéalement dans les 24 h qui précèdent le passage des particules et gaz radioactifs ou, à défaut, jusqu’à 8 heures après l’exposition », indique le docteur Godbert.

L’administration de comprimés n’est recommandée que si la dose à laquelle la thyroïde est exposée risque de dépasser un seuil de 50 mSv (millisievert) en France.

Ce à quoi d’autres mesures doivent s’ajouter : arrêt de la consommation d’aliments et d’eau de boisson contaminés, mise à l’abri voire évacuation des populations…

3- Une dose suffit : FAUX

La dose d’iodure de potassium à administrer diffère selon l’âge. Pour les personnes âgées de 12 ans et plus, l’autorisation de mise sur le marché (AMM) de ce médicament prévoit une prise de 130 mg (soit 2 comprimés) par jour pendant 7 jours, selon un document du Haut conseil de la santé publique. Une dose protège pendant 24 heures.

En cas d’exposition prolongée, la prise de nouvelles doses d’iode stable peut s’avérer nécessaire, sauf pour les nouveau-nés (âgés de moins d’un mois), femmes enceintes ou allaitantes et personnes âgées de plus de 60 ans. « le blocage de la thyroïde par l’iode stable n’est généralement pas indiqué chez les adultes de plus de 40-45 ans (NDLR : à l’exception du personnel d’intervention d’urgence) et inutile chez les personnes qui ont subi une ablation totale de la thyroïde (thyroïdectomie) », précise l’expert.

4- En France, tout le monde peut se procurer des comprimés d’iodure de potassium : VRAI et FAUX

En théorie, oui, en pratique, non. Si vous habitez dans un rayon de 20 km (à vol d’oiseau) autour d’une des 19 centrales nucléaires françaises, vous êtes dans le rayon d’un Plan particulier d’intervention (PPI) et vous bénéficiez de la pré-distribution gratuite des comprimés d’iode stable, tout comme les écoles et entreprises. Environ 2 millions de personnes sont dans ce cas. Vous avez dû recevoir un document vous invitant à les retirer gratuitement en pharmacie.

Hors zone PPI et hors situation accidentelle déclarée, les comprimés d’iode peuvent être achetés en pharmacie (environ 7 € la boîte), comme l’indique la directrice du Conseil de l’Ordre des pharmaciens dans un courrier adressé à un médecin en janvier 2021.

Dans les faits, c’est plus compliqué : la guerre en Ukraine a accru les demandes, et, en France, seuls deux laboratoires en produisent.

En cas de besoin, une distribution en urgence sera réalisée grâce à des stocks positionnés dans les départements, chez des grossistes répartiteurs qui seront alertés par Santé publique France à la demande des autorités nationales ou préfectorale selon le dispositif ORSEC (Organisation de la réponse de sécurité civile) iode. Un scénario que personne ne souhaite connaître.

Florence Heimburger

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