vaccination

En France et dans tous les pays d’Europe, la vaccination contre la Covid-19 se met en place. Ce moment est d’autant plus délicat que circulent de nombreuses contre-vérités sur les vaccins et que, dans notre pays, l’hésitation vaccinale, qui était une des plus fortes au monde, demeure une préoccupation majeure.

Ce contexte est encore compliqué par le débat autour du démarrage progressif de la campagne de vaccination française, alors que certains pays comme les États-Unis, Israël, le Royaume-Uni, ou l’Allemagne ont accordé une forte priorité au déploiement des vaccins anti-Covid-19.

Le 16 octobre dernier, un atelier de retour d’expérience sur la communication durant la pandémie COVID-19 a été organisé par le comité de pilotage COVID-19 du séminaire Maladies Infectieuses Émergentes (MIE). Créé en 2011, ce dernier a pour vocation de favoriser les échanges et la concertation éclairée sur les grands enjeux de santé publique nationale et internationale en lien avec les maladies infectieuses émergentes.

Les experts de ce groupe de travail multidisciplinaire, dont nous faisons partie, s’étaient fixé pour objectif de répertorier ce qui a fonctionné et ce qui a dysfonctionné, durant cette crise sanitaire sans précédent, en matière de communication entre la puissance publique, les experts et les médias, afin de dégager des pistes d’amélioration pour l’avenir.




À lire aussi :
Vaccination : une hésitation française


Nous appuyant sur les conclusions des travaux menés au cours de cet atelier, nous tenons à affirmer notre soutien entier au déploiement de la vaccination contre la Covid-19, pièce maîtresse de la lutte contre cette pandémie. Cependant, celle-ci ne doit pas faire oublier l’ensemble des autres mesures de prévention qui devront être poursuivies et soutenues pendant les prochains mois.

Par ailleurs, pour que la vaccination trouve sa place dans une lutte efficace contre ce virus, un certain nombre de principes doivent être respectés et mis en œuvre.

Transparence, responsabilisation, indépendance

La communication autour du vaccin doit se faire dans le respect absolu de la transparence, par la responsabilisation des citoyens et l’indépendance des pouvoirs publics vis-à-vis des groupes de pression.

La nomination d’un conseil d’orientation est un élément fondamental de cette garantie d’indépendance. Mais ce n’est pas suffisant. Trois autres garanties doivent être données :

  • Les conditions de négociation des contrats entre les laboratoires pharmaceutiques et les autorités publiques incluant les prix, les volumes et le partage des responsabilités doivent être connues, pour que la confiance s’instaure ou se rétablisse envers les décideurs ;
  • Le déploiement de la vaccination doit s’accompagner d’un processus connu et proactif de dépistage et déclaration de la survenue potentielle d’évènements inattendus (vaccinovigilance). Un tel dispositif assure un repérage précoce des effets rares ou inattendus, facilitant une adaptation, en temps réel, de la stratégie vaccinale. Il permettra à la population et aux professionnels de mieux connaître les modalités de transmission des informations concernant ces évènements inattendus. La méthode pour assurer une telle vigilance est connue. Ce processus doit comporter un rendu régulièrement actualisé des résultats aux acteurs concernés et au grand public, en impliquant les professionnels de santé et des représentants de la population. Il a déjà fourni des premiers renseignements.
  • La communication sur le vaccin doit être assurée essentiellement par les pouvoirs publics, mettant volontairement à l’écart les laboratoires pharmaceutiques qui sont clairement en situation de conflit d’intérêts dans ce dispositif.

Proximité, acteurs locaux

Le déploiement du dispositif de vaccination doit reposer sur les professionnels de santé de proximité, en lien avec les acteurs locaux.

Dans cette campagne de vaccination qui débute, il est essentiel que l’État implique largement les professionnels de santé, et notamment les médecins traitants. Mais si le geste de vaccination doit être ainsi encadré, il doit aussi bénéficier d’une logistique précise, organisée en amont et adaptée aux différents terrains. C’est probablement là que le bât blesse.

Les collectivités territoriales sont les premiers interlocuteurs des citoyens et doivent être mobilisées en priorité, à la fois pour créer les meilleures conditions possibles pour déployer cette vaccination, mais aussi pour instaurer le climat de confiance nécessaire, renforcer le discours sur le besoin de solidarité, pour expliquer ce qu’est l’immunité collective et pour faire le lien avec les autres mesures de prévention et de suivi des personnes contaminées.

Afin d’entreprendre ces actions, au-delà des collectivités locales, tout le tissu sanitaire, social et associatif doit pouvoir être mobilisé pour organiser de manière efficace les relais auprès de la population.

Former et déployer des ambassadeurs de la prévention

De nouvelles méthodes doivent être largement diffusées pour aller à la rencontre des différents groupes de population.

Les retours d’expérience des premières étapes de cette crise sanitaire montrent que les acteurs de proximité ont joué leur rôle de médiateurs des informations qui parvenaient à leurs concitoyens.

Nous soutenons également qu’à côté des mesures édictées par le niveau national, il est essentiel de renforcer l’autonomie, la responsabilité et l’engagement des citoyens pour qu’ils construisent eux-mêmes leur capacité de réponse, en conjuguant leurs enjeux personnels avec les enjeux de la collectivité.

Un effort conséquent doit être consenti pour déployer largement des « ambassadeurs de la prévention » ou des médiateurs formés qui, aux côtés des professionnels de santé, pourront expliquer ce que recouvre la lutte contre la pandémie, la place de la vaccination et la lutte contre les informations erronées (« fake news » ou infox).

La communication ne peut pas être uniquement verticale. Elle doit permettre aux personnes, aux groupes de s’approprier les connaissances et leurs limites, ainsi que d’exercer leur jugement. Il faut donc sans tarder développer une stratégie de promotion de la santé et de prévention, adaptée aux territoires et aux situations, et reposant sur un corpus de formation reconnu.

Ces trois principes doivent être appliqués dès les premières étapes de cette campagne vaccinale. C’est à ce prix que nous pourrons conjuguer une lutte efficace contre la pandémie et le respect de nos valeurs démocratiques essentielles.


Cette analyse a été rédigée en lien avec le groupe de travail multidisciplinaire Communication et vaccination contre la Covid-19 du séminaire sur les maladies infectieuses émergentes.The Conversation

Laurent Chambaud, Médecin de santé publique, École des hautes études en santé publique (EHESP) ; Catherine Leport, Médecin spécialiste, professeur en maladies infectieuses et tropicales, Inserm — UMR 1137, Université de Paris et Gilles Boëtsch, Anthropologue, directeur de recherche émérite CNRS, ancien président du conseil scientifique du CNRS, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Fermer la popup
?>