tri déchets enfantsSiblings having fun while segregating waste at home

Depuis 2015, l’Accord de Paris a rendu, dans son article 12, l’éducation à l’environnement obligatoire. En France, cette généralisation se décline concrètement depuis août 2019 avec la circulaire n° 2019-121, qui formalise l’éducation au développement durable

Cette réflexion et cette sensibilisation sont menées de manière transversale dans toutes les disciplines, notamment en technologie, par l’appréhension du cycle de vie et la manière de concevoir un objet, dès le primaire. Les écoles sont également incitées à mettre en place des composteurs et des potagers pour que les enfants soient non seulement sensibilisés, mais participent aussi activement à la gestion de l’environnement.

Ces apprentissages sont importants et obligatoires, mais ne représentent encore que quelques heures dans le programme scolaire. Parmi les comportements écoresponsables auxquels les enfants sont sensibilisés et éduqués à l’école, on retrouve le tri des déchets.

Alors qu’en France, chaque année, un habitant génère en moyenne, selon les dernières données de l’Ademe, quelque 580 kilos de déchets ménagers, il est régulièrement rappelé que le meilleur détritus est « celui qu’on ne produit pas ».

Le tri permet toutefois de donner une seconde vie aux déchets et de limiter ainsi notre empreinte carbone. Si la France sensibilise et éduque les enfants à ce comportement, la question se pose de savoir quelles connaissances et compétences ils en retirent et comment ils peuvent mettre concrètement en application ce bagage éducatif.

C’est ce que nous avons cherché à montrer dans une étude publiée en mars 2020 dans la revue Journal of Business Research ; nos travaux concluent à des compétences indéniables, mais une difficulté à les appliquer au sein de la famille.

Des enfants informés, concernés et compétents

Les enfants acquièrent des connaissances grâce à l’éducation environnementale enseignée à l’école, qui joue un rôle très important en matière de socialisation environnementale des plus jeunes. Cette sensibilisation se répète plusieurs fois au cours de la scolarité de l’enfant, et notamment au cours de la formation à l’école élémentaire.

Les enfants développent des connaissances pour connaître les déchets, leur nature et savoir comment les trier. Julie (9 ans) explique par exemple :

« Les pelures de fruits et légumes vont au compost, le verre dans un container spécial en extérieur de la maison, et les médicaments qu’on n’utilise plus retournent chez le pharmacien. Le papier et carton, ainsi que les plastiques vont dans le container jaune de tri. Tout le reste part dans la poubelle normale déchets non recyclables. »

Les enfants développent également une sensibilité relativement importante au cours de cet apprentissage et sont concernés par les problématiques de tri des déchets. Mayeul (9 ans) se dit « concerné et intéressé par les problèmes de l’environnement » et pense que « le tri des déchets est important pour la planète ». Idem pour Roman (8 ans) qui considère que « pour protéger l’environnement, nous devons trier nos déchets. C’est important de trier ».

De ces connaissances et de cette sensibilité environnementale découlent des compétences indéniables en matière de tri. Les enfants savent ainsi concrètement trier leurs déchets. Pourtant, ils n’ont pas toujours la possibilité d’exprimer ces compétences au sein de leur environnement familial et participent finalement assez peu au tri familial des déchets. Comment expliquer cette situation ?

Des freins au sein de la famille

Nos observations montrent que les enfants participent peu au tri familial des déchets. C’est étonnant, car de manière générale, en grandissant, les enfants participent à des comportements et des activités qu’ils valorisent et ont un sens pour eux.

Plusieurs éléments viennent éclairer cette faible participation.

Tout d’abord, la disposition spatiale et les objets facilitant le tri ne sont pas toujours présents dans la maison. Dans certaines familles où l’espace est réduit, on observe par exemple une seule poubelle dans la cuisine, qui accueille l’ensemble des déchets, recyclables ou non.

Mais ce n’est pas une explication suffisante, d’autres familles ayant un espace réduit agencent l’espace de telle sorte à pouvoir réaliser un tri efficace. La communication entre parents et enfants est révélée par ailleurs comme déterminante dans la possibilité laissée aux enfants à appliquer leurs savoirs et savoir-faire.

Dans les familles qui n’encouragent que peu leurs enfants à exprimer leurs choix de consommation, les enfants ont beaucoup de difficultés à montrer tout leur savoir-faire en matière de tri, car les parents n’y accordent que peu d’importance. Il n’est pas rare non plus que les parents considèrent le sujet du tri des déchets comme relevant de l’éducation scolaire et non familiale.

Comment valoriser les compétences des enfants ?

Les enfants trouvent des stratégies pour valoriser leurs compétences en dehors de la famille. Certains prennent des initiatives, comme l’organisation d’une journée de tri dans leur village ou leur quartier, la mise en place d’un club pour protéger l’environnement avec des amis, ou encore la collecte de bouchons pour des associations d’handicapés. Mais toutes ces initiatives se font le plus souvent en dehors du foyer.

Des entreprises viennent soutenir la sensibilité et préoccupation des enfants dans leur quête de bien-être environnemental en les aidant à agir concrètement. L’entreprise Hasbro développe ainsi un programme de tri des jouets usagés des enfants. L’entreprise Joker propose de son côté un tutoriel ludique sur Internet et sur ses emballages pour inciter les enfants à un tri efficace de ses emballages et reprend ses explications sur le packaging. Mais ces initiatives restent encore relativement confidentielles.

Si toutes les actions d’éducation et de sensibilisation déjà mises en place sont importantes, il semble cependant nécessaire d’aller encore plus loin pour aider les enfants à agir dans leur quotidien et leur laisser l’espace suffisant pour qu’ils puissent exprimer concrètement leurs initiatives environnementales, de manière autonome.

Les propositions avancées par la récente Convention citoyenne pour le climat – ateliers éducatifs réguliers et intergénérationnels sur les comportements écoresponsables – font un premier pas dans ce sens en permettant d’associer l’enfant. D’autres réflexions pourraient venir soutenir cette initiative pour faire prendre conscience aux parents que leurs enfants savent faire et leur laisser davantage d’autonomie pour prendre part concrètement à l’avenir de la planète.The Conversation

Marie Schill, Maître de conférences, HDR, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA); Delphine Godefroit-Winkel, Professeur associé de marketing, TBS Business School et Margaret K. Hogg, Professor of Consumer Behaviour and Marketing, Lancaster University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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