le mascaret

En quelques années, le mascaret est passé du statut de curiosité naturelle vaguement folklorique à celui de « must do » régional : la honte doit s’abattre sur tout Girondin qui n’est pas allé voir le mascaret

Au-delà de cette mode, il est vrai que cette vague qui remonte le fleuve est plutôt rare : on recense une grosse soixantaine de lieux dans le monde où elle se manifeste. En France, seule la Seine avait un mascaret, et même beaucoup plus important avec des vagues dépassant les 4 mètres, avant que le dragage du fleuve et des modifications dans le port du Havre ne le fassent disparaître dans les années 1960. En Europe, le mascaret à la Severn, en Grande-Bretagne, est le seul à être plus important que celui de Gironde.

C’est que les conditions à remplir pour qu’il puisse se produire ne se trouvent pas partout : il faut que le fleuve se jette dans un océan aux marées marquées, que son embouchure soit en entonnoir pour accentuer l’effet d’onde jusqu’à créer une vague, qu’il ait un débit assez important pour s’opposer à la marée, et qu’enfin il ne soit pas trop profond, sinon la vague s’affaisse. Bref, les clients correspondant à ce profil ne se bousculent pas.

Une fois que l’on a rempli ces conditions, il faut encore un coefficient de marée suffisamment important (aux alentours de 100, bien que, en période de grosse sécheresse, un petit 80 puisse suffire), ce qui arrive vers l’équinoxe, une lune pleine et proche, ainsi qu’un étiage assez marqué, donc vers août-septembre. Il y a aussi un semblant de mascaret pour les marées d’équinoxe de printemps mais la hauteur d’eau du fleuve est généralement trop importante. Ensuite, il ne reste plus qu’à attendre que la marée remonte. Là, l’écoulement normal de l’eau vers l’embouchure est contrarié et il se forme un bourrelet. La marée continue de monter par paliers de 5 à 10  cm qui finissent par s’accumuler, constituant ainsi une vague qui déferle vers l’amont puisque, tout de même, la marée demeure plus puissante.

À noter que ce n’est pas de l’eau de mer qui remonte mais l’onde causée par la perturbation hydraulique. C’est le même phénomène de bourrelet qui se produit dans l’évier, lorsqu’on fait couler de l’eau, sauf que le bourrelet reste immobile. Et qu’on vient de moins loin pour regarder un évier ! L’onde remonte l’estuaire sans faire de vague car il est trop profond mais celle-ci se crée en arrivant vers la Garonne et la Dordogne et les remonte jusqu’à la limite de l’effet de la marée : la vague peut alors atteindre les 2 mètres et avance jusqu’à 20 km/h.

Avec ça, même si vous n’avez pas vu le mascaret, vous pourrez en parler : c’est l’essentiel pour une mode.

 

Photo de couverture Par Arnold Price, CC BY-SA 2.0

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