La France aime les diplômes et les multiplie. Ils ont toujours été une protection utile contre le chômage mais le sont de moins en moins. Pour autant, réussir sans eux est possible. Mais souvent compliqué

Les belles histoires fleurissent dans les magazines qui racontent comment ces patrons ou politiques célèbres ont réussi sans diplôme. Des exemples édifiants dont le plus clinquant est Bill Gates : l’un des plus riches au monde aurait quitté l’université sans diplôme. Une anecdote à nuancer : il est quand même parti en dernière année d’Harvard, la meilleure université du monde. Un échec scolaire relatif… Et qui résume bien le paradoxe de la légende des autodidactes : on peut réussir sans diplôme mais avec une bonne formation, c’est plus simple.

Mieux vaut un bon doctorat que rien du tout

Les chiffres bruts ignorent ces exceptions de grands patrons sans diplôme. Selon l’INSEE, un diplôme protège du chômage. Mais un bon diplôme : si on a un doctorat dans le domaine de la santé, on a 2% de probabilité d’être au chômage onze ans après son obtention. Inversement, sans aucun diplôme, 23% sont hors du marché de l’emploi, 31% au chômage et ceux qui travaillent ont un salaire médian inférieur au SMIC.

Les chiffres sont évidents pour les deux « extrémités » de l’échelle. Entre ces deux pôles, c’est plus variable. Pour l’institut des statistiques, c’est plus le domaine d’études que le niveau du diplôme qui influe sur les chances de réussite. Il souligne que « certains masters conduisent au même taux de chômage qu’un Bac professionnel ».

Reste que les choses évoluent, surtout avec un diplôme du supérieur. Dans les années 60, lorsque 18% d’une classe d’âge obtenait le bac, ce diplôme permettait à 70% de devenir cadre. Aujourd’hui, les chiffres sont inversés : plus de 70% d’une classe d’âge a un bac dont seuls 25% des détenteurs ont un poste élevé.

Selon le sociologue François Dubet « l’adéquation entre le diplôme et l’emploi est de moins en moins assurée ». Ce qui entraîne un sentiment de déclassement pour les détenteurs de diplôme. D’autant, ajoute le sociologue, que l’enseignement se retrouve confronté à un dilemme : le monde éducatif tente d’améliorer le niveau des élèves alors que le monde économique veut bénéficier d’une main d’œuvre bien formée mais de moins en moins chère.

Moins de diplôme, plus de compétences ?

L’importance du diplôme initial reste une spécificité française du fait de la difficulté pour se former ensuite. Et que de plus en plus de métiers sont soumis à l’obligation d’un diplôme pour exercer. Dans le même temps, certains tempèrent cette tendance en soulignant que l’évolution rapide de la société fait que le diplôme va perdre de l’importance car beaucoup de métiers de demain n’existent pas aujourd’hui et que l’école ne peut donc pas y préparer.

On s’orienterait donc vers un recrutement plus axé sur les compétences que sur les diplômes. Mais les mentalités sont longues à changer et souvent, les recruteurs préfèrent ne pas prendre de risques en misant sur un diplômé.

La solution pour échapper à cette sélection : devenir entrepreneur. Selon l’INSEE, 11,7% des créateurs d’entreprises sont sans diplômes. Notons quand même que 41,3% d’entre eux ont un diplôme du supérieur. Dans ces cas-là, il faut davantage compter sur la motivation, la passion et le travail. Et se départir d’un complexe d’infériorité inutile qui bride certains non-diplômés.

Jean Luc Eluard

Avec le soutien du ministère de la culture

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