Pasithea a mis au point un système léger pour lutter contre l’apnée du sommeil. Trois capteurs en un, une vibration et c’est tout. De quoi faire reculer un problème de santé publique

Il n’y a pas grand-chose de plus inconscient et naturel que de respirer. A priori, on y pense assez facilement. Sauf que 10 à 15% de la population oublie de respirer pendant son sommeil. C’est l’apnée du sommeil. Il peut y avoir jusqu’à 30 pauses de respiration par heure et une pause peut durer jusqu’à 2 minutes. On n’en meurt pas : on a quand même des systèmes d’alerte qui redéclenchent l’inspiration lorsque cela devient critique. Mais cela a des conséquences. Au mieux en terme de qualité du sommeil, au pire en terme cardio-vasculaire avec des risques accrus d’infarctus par exemple.

La prise de conscience de ce problème de santé publique est assez récente. Aussi les solutions sont-elles peu pratiques. La plus efficace est une sorte de compresseur qui envoie de l’air dans le larynx du dormeur via un masque qu’il porte la nuit. Efficace, oui, mais gênant et souvent vite abandonné par le patient.

Une vibration sur la peau

C’est avec les nourrissons nés avant termes que le labo Pasithea à Rennes a initié une autre piste. « Les enfants en soins intensifs néo-natals font beaucoup d’apnées. On pensait pouvoir les diminuer avec une stimulation kinesthésique » rappelle Alfredo Hernandez, responsable et co-fondateur de la start-up du même nom. C’est à dire en remplaçant les stimulations électriques du cerveau par des vibrations sur la peau pour réveiller le système nerveux autonome. C’était en 2011 et, si d’autres pistes sont désormais explorées pour les nouveaux-nés, le labo a poursuivi celle-là vers les adultes.

Et désormais, les premiers essais cliniques sont en cours avec un système « disruptif dont la seule intervention est une stimulation kinesthésique. On obtient une réduction significative des apnées. » Même si ça ne marche pas pour tout le monde avec la même efficacité. En particulier pour ceux dont « le système nerveux autonome de fonctionne pas ». Avec un appareil qui se compose d’un capteur pour le rythme cardiaque, un autre pour la saturation en oxygène et dans le nez pour mesurer l’air expiré.

Un ordinateur analyse les données et déclenche une vibration vers un troisième instrument collé derrière l’oreille, sur l’os qui dépasse (le mastoïde, si vous vous rappelez vos cours d’anatomie). Près de l’oreille, il envoie aussi un faible signal auditif, perceptible uniquement du porteur. Enfin, la zone du visage concentre plus de récepteurs mécaniques.

Mieux qu’un coup de pied

C’est exactement le même principe que votre partenaire qui vous donne un coup de pied lorsque vous ronflez : « Tous les mammifères ont ça : le réflexe de fuite, ou startle reflex. C’est ce qui réveillait nos ancêtres lorsqu’ils étaient attaqués. » La subtilité par rapport à un prédateur ou votre partenaire, c’est de ne pas réveiller le dormeur tout en lui envoyant un signal suffisant pour l’alerter et lui faire reprendre sa respiration dès qu’elle s’arrête trop longtemps. Chaque personne a son propre niveau d’alerte et l’algorithme le calcule et l’adapte.

Une grande partie du travail de la start-up Pasithea, qui a pris le nom du labo, a consisté à miniaturiser le plus possible l’appareillage : le vibreur fait désormais la taille d’une pièce de deux euros et l’ordinateur celui d’une boîte d’allumettes. Et les capteurs sont tous rassemblés en un seul appareil, lui aussi de la taille d’une pièce. C’est cette maturation pour faire diminuer la taille d’un appareil qui était encombrant que la société d’accélération du transfert de technologies SATT Ouest-Valorisation a pris en charge. Et qui a permis la création de la start-up. L’entreprise travaille désormais à un système de captation de la saturation en oxygène « sans contact ».

Mais la priorité est une mise sur le marché en 2025-2026. Et après… bonne nuit !

Jean Luc Eluard

Avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

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