Rapdys aide les enfants dyslexiques à faire la différence entre des consonnes proches. Ce logiciel est né d’une avancée théorique dans la compréhension de la dyslexie écrite

Faire le lien entre un son et une lettre, c’est le principe même de l’apprentissage de la lecture. Mais si vous comprenez ce texte sans peine, c’est aussi parce que ce lien est évident pour vous. Ce n’est pas le cas pour environ 7% de la population, essentiellement des 6-11 ans, qui souffrent de dyslexie. Et plus exactement de « trouble spécifique de l’apprentissage du langage écrit » comme le précise Franck Médina, orthophoniste et éditeur de logiciels qui a lancé Rapdys. Un logiciel qui aide à guérir certaines difficultés spécifiques liées à l’impossibilité de faire la différence entre des consonnes à la prononciation proche comme le b et le p ou le d et le t.

Erreur à l’écrit, pas à l’oral

« Quand on articule ces lettres, on fait le même mouvement avec les lèvres. Ce qui change, c’est la vibration : avant l’articulation c’est un b, après c’est un p. » Willy Serniclaes (Language & Cognition à l’INCC, Université de Paris ) s’est intéressé à cette confusion depuis les années 90 jusqu’à son décès en 2021 et a constaté que les enfants qui confondent ces consonnes à l’écrit ne le font pas à l’oral.

Tout le monde peut se tromper

Pour Franck Médina, qui a découvert ces travaux voici dix ans, « quand on parle, on fait moins attention à l’articulation. Et la consonne est toujours placée avec une voyelle. » Lorsqu’on dit « absent », on prononce le « b » presque comme un « p » mais ça ne change pas le sens du mot. Car « à l’oral, il y a un continuum mais pas à l’écrit. Les enfants distinguent le son et le discriminent mais ne savent pas faire la frontière quand on montre la lettre. Les enfants sans dyslexie font aussi la confusion. Mais pas longtemps. » Un peu comme lorsqu’on peine à distinguer des lettres proches dans une langue étrangère. Raison pour laquelle Willy Serniclaes et une équipe de l’Université Libre de Bruxelles (Grégory Collet et Cécile Colin) avec laquelle il a mis au point le traitement parlent « d’allophonie » pour le désigner.

Un logiciel au quotidien

C’est après cette mise au point qu’intervient Erganeo, la société d’accélération du transfert de technologies (SATT) parisienne, qui met en contact l’équipe de chercheurs et son traitement, qu’elle a breveté, avec Franck Medina. Outre ses activités d’orthophoniste, il possède une petite société spécialisée dans l’édition logicielle, Gnosia. Et ce pour adosser une découverte avec l’édition d’un logiciel qui pourrait être porté par un spécialiste.

Rapdys propose un univers d’apparence ludique pour aider les enfants dyslexiques à faire la différence entre des sons proches

Ce sera « Rapdys » dont l’idée simple consiste à offrir « un entraînement perceptif » : proposer aux enfants de choisir systématiquement entre deux orthographes pour des mots dont ils confondent les consonnes. D’abord avec des mots assez éloignés les uns des autres puis, au fur et à mesure, avec des sons qui prêtent davantage à confusion.

Un exercice répétitif que l’on peut réaliser à domicile puisque « ce genre d’entraînement cognitif est plus efficace lorsqu’il est quotidien » et que presque aucun parent ne pourrait amener son enfant tous les jours chez l’orthophoniste. L’enfant doit choisir entre une centaine de mots durant 15 minutes : « En une vingtaine de séances, on a noté une amélioration. »

C’est ce qui ressort d’une première étude sur 45 patients. Une deuxième sur 150 enfants est en cours qui devrait déboucher sur une mise sur le marché au printemps 2024 : « Le principal risque est méthodique : c’est un exercice quotidien et intense. L’orthophoniste doit être capable d’expliquer son utilité aux parents et aux enfants en difficulté. » Et que ça ne leur paraisse pas absurde (ou sinon « apsurde »).

Jean Luc Eluard

Avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

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