Certes, les araignées ne sont pas forcément cinéphiles, mais elles se font une toile par jour.

Car lorsque vous vous empêtrez dans ce machin gluant et vaguement beurk pour les âmes sensibles, ce n’est pas un drame pour la bestiole : elle a l’habitude de refaire son piège, qui n’est plus assez collant et discret au bout d’une journée. Elle procède toujours de la même manière : elle laisse d’abord voler un fil, le plus solide, qui, emporté par le vent, va finir par s’enrouler autour d’un obstacle à quelques dizaines de centimètres, et jusqu’à 5 mètres si l’araignée n’est pas dans un jour de chance.


La bestiole joue alors les équilibristes en tissant dessus un deuxième fil plus lâche, qu’elle attache à une extrémité du premier et qui constitue une sorte de « cadre » qu’elle brode d’un obstacle à l’autre.

Un travail d’orfèvre

Cela fait, elle retourne au milieu du premier fil et se laisse tomber en tissant, pour fabriquer une sorte de « y » renversé, dont le centre sera celui de la toile. De là, elle « dessine » des rayons réguliers qui solidifient l’ensemble avant de revenir au milieu créer un moyeu en fils serrés qui lui servira de poste de guet, tout en veillant à y laisser un trou pour facilement passer d’un côté à l’autre de la toile. Pour rigidifier le tout, elle fabrique une spirale assez lâche en fil épais en partant du centre vers l’extérieur et revient de l’extérieur en tissant une autre spirale. Plus serrée et en fil fin et gluant cette fois, afin que les insectes y restent collés. Opération qu’elle réalise tout en mangeant la première spirale, moyen de se donner des protéines et du cœur à l’ouvrage.

Ouf ! C’est fini ! Il lui aura fallu une heure et une trentaine de mètres de fil pour fabriquer cette merveille géométrique dont elle calcule la régularité en se servant de ses pattes comme d’un compas pour mesurer les intervalles. Symbole du savoir-faire de l’araignée, ce type de toile n’est cependant construit que par une minorité d’entre elles (3 000 sur 44 000 espèces connues). C’est qu’à l’origine la toile n’était conçue que pour protéger les œufs, et ce n’est qu’au fil du temps qu’elle est devenue un piège. Ainsi que, le plus
souvent, un appât sexuel, puisque les femelles y disposent des phéromones qui attirent les mâles (sans avoir besoin de leur dire : « On se fait une toile ? »).


La plupart des arachnides se prennent moins la tête : elles tissent des fils en vrac suffisamment serrés pour capturer des bestioles, ou en nappe, très serrés avec un trou au milieu : les fils dispersés autour font glisser l’insecte vers le centre, où il connaîtra une fin assez sordide, puisque les araignées liquéfient leurs proies avant de les manger.

Toutes tissent cependant des fils dont les caractéristiques font saliver les scientifiques : ils sont entre deux et cinq fois plus résistants que l’acier et peuvent s’étirer jusqu’à 40 % de leur longueur initiale sans se rompre. En matière d’ingéniosité culinaire, ça vaut bien un trois-étoiles.

Jean-Luc Eluard

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