Embarquement immédiat à bord du We Explore, un catamaran éco-conçu composé à plus de 50 % de lin. Un bateau-ambassadeur du « faire autrement » pour préserver les ressources planétaires et inventer le monde de demain

« Allez vas-y pousse la barre, ce champ de lin ne demande qu’à bondir sur la vague ! ». Dans la bouche de n’importe qui d’autre, un tel conseil semblerait incongru. Mais pas dans celle de Roland Jourdain, double vainqueur de la Route du Rhum et concepteur de We Explore. Car le catamaran vert et blanc, sur lequel nous naviguons ce matin à la faveur d’une jolie brise de nord-est, est composé à plus de 50 % de fibres de lin. Du pont aux voiles, un hectare de matière première a été utilisé pour donner corps au rêve de celui que tout le monde ici appelle « Bilou ».

« Après mes deux victoires, ça marchait bien pour moi, mais je me questionnais. Que vais-je laisser dans mon sillage ? »

Roland Jourdain

Douze ans de réflexion et de tâtonnements plus tard, We Explore tente d’ouvrir une nouvelle route : « faire mieux avec moins ». Outre l’utilisation de la fibre de lin en remplacement de la fibre de verre, le réemploi est de mise : « on a utilisé du matériel de récupération, retaillé des vieilles voiles d’avant. » Côté équipements, on frise le minimalisme. Le four est solaire, un clin d’œil à Corentin de Chatelperron et à son Low-tech Lab, soutenu par le fonds de dotation Explore. Et Roland Jourdain envisage de réhabiliter l’usage du sextant, « au cas ou l’électronique viendrait à nous lâcher ». 

A l’image de son pragmatique skipper, We Explore a vocation à être un « couteau suisse » : à la fois lieu d’expérimentations de solutions, instrument de sensibilisation, et camp de base mobile pour des scientifiques. Il y a quelques semaines, François Sarano et l’équipe de la mission WhaleWay 3 étaient d’ailleurs à bord. L’un des derniers ouvrages de l’océanographe, Le retour de Moby Dick, trône encore sur l’étagère de la cabine arrière. Encore un clin d’œil, car les cachalots étaient au rendez-vous au large de Toulon ! 

« Les biomatériaux représentent une partie de la solution, mais pas la solution ultime. Si l’on ne change pas les usages, on n’avancera pas ! »

Roland Jourdain

La sous-population des cachalots de Méditerranée est classée « en danger d’extinction » par l’UICN, en partie à cause de nos comportements : pollution plastique, risques de collision avec les navires… Raison de plus pour réduire l’allure et changer de cap. « Cela n’a pas beaucoup de sens d’aller toujours plus vite, à tout prix. Mieux vaut miser sur la performance environnementale que sur la performance tout court. »

Bondir sur la vague, c’est jubilatoire. Mais pas à n’importe quel prix !

Reportage texte et photos (sauf image de une et mentions contraires) : Alexandrine Civard-Racinais

Roland Jourdain en 5 dates

• 1964 : naissance de Roland Jourdain à Quimper.

• 2006 & 2010 : Le navigateur remporte à deux reprises la Route du Rhum.

Mai 2022. Mise à l’eau de We Explore qui concrétise douze années de réflexion.

• Décembre 2022. Engagé dans la Route du Rhum – Destination Guadeloupe, We explore se classe 2ème dans la catégorie Rhum-Multi.

Le match fibre de lin contre fibre de verre

• Match nul pour le comportement mécanique : les études menées par Christophe Baley, spécialiste des propriétés des fibres végétales et enseignant chercheur à l’université de Bretagne Sud, ont montré que les fibres de lin présentaient un comportement mécanique proche des fibres de verre.

• Trois contre un pour la fibre de lin au plan environnemental : D’autres travaux ont mis en évidence le moindre coût énergétique de l’élaboration des fibres en lin. Leur faible densité permet également de réduire les impacts environnementaux liés au transport, et leur biodégradabilité permet d’offrir des solutions peu impactantes sur l’environnement en fin de vie.

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