L’idée selon laquelle les toutes premières années d’existence sont absolument déterminantes dans le développement du cerveau des enfants est souvent mise en avant dans les livres dédiés à la parentalité. Mais si le système cérébral des enfants se développe effectivement à un rythme effréné à cet âge-là, notre cerveau reste capable d’évoluer tout au long de la vie, assure le chercheur en neurosciences Jérôme Prado       

Dès leurs premiers pas sur Terre, les enfants se développent et apprennent à un rythme impressionnant. Ils explorent le langage, emmagasinent du vocabulaire, et assimilent un grand nombre de compétences issues de leurs interactions avec leur environnement. De quoi imaginer que leur cerveau de futurs adultes se façonne entièrement au cours des premières années ?

Si l’on se réfère aux titres des ouvrages qui garnissent les rayons dédiés à la parentalité dans les librairies, cela ne fait aucun doute. Ainsi, le livre au titre évocateur « Tout se joue avant 6 ans » rédigé par le psychologue américain Fitzhugh Dodson dans les années 1970 est toujours un best-seller.   

Les recherches menées en neurosciences montrent même que c’est au cours des 3 premières années de sa vie que l’enfant crée le plus de synapses. Ces dernières sont fondamentales : elles permettent aux neurones de se connecter entre eux et d’échanger ainsi des informations. « Un enfant nait avec un cerveau contenant à peu près le même nombre de neurones qu’un adulte, c’est-à-dire 80 à 90 milliards. Mais durant les 2 à 3 premières années, les synapses se mettent en place à un rythme effréné », s’enthousiasme Jérôme Prado, chercheur au sein du Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CRNL).     

Une lente maturation du cerveau

Pourtant, cela ne signifie absolument pas que l’intégralité du développement du cerveau de l’enfant se joue à ce moment-là. Le chercheur précise : « Suite à cette période intense de mise en place des synapses, il y a une phase d’élagage qui est cruciale dans le développement cérébral. Concrètement, les synapses les plus utilisées vont se renforcer, et celles qui ne sont pas exploitées disparaissent. Cette phase de maturation va durer jusqu’à l’âge de 20 ans voire 25 ans ».

Les enfants peuvent donc encore développer de nouvelles compétences bien après l’âge de 3 ans. Et cette capacité à réorganiser nos synapses et à créer de nouvelles connexions entre les neurones, nommée « plasticité cérébrale » ne s’arrête pas à la fin de l’enfance souligne Jérôme Prado : « les adultes peuvent toujours apprendre, malgré le fait qu’ils n’aient pas la même plasticité cérébrale qu’un enfant de 6 ans. Si vous décidez d’apprendre à jouer de la guitare par exemple, des régions cérébrales impliquées dans la motricité fine vont se développer. Notre cerveau est toujours en mouvement ».   

Apprendre les langues avant 10 ans

En revanche, les recherches en neurosciences montrent que des périodes dites « sensibles » sont plus propices à certains apprentissages indique le chercheur : « c’est comme une fenêtre qui s’ouvre pendant un certain laps de temps, avant de se refermer ensuite. Certaines études montrent par exemple que la fenêtre de temps pour maitriser une langue de telle sorte qu’elle soit considérée comme maternelle se situe avant l’âge de 10 ans. Après, il sera toujours possible d’apprendre à parler une autre langue, mais pas de manière aussi parfaite ».

Néanmoins, nous pouvons continuer à stimuler activement notre cerveau à tout âge. Et pour cela, il suffit de rester curieux.

Thomas Allard

Avec le soutien du Ministère de la Culture

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