Même lorsqu’ils sont à quai, les paquebots de croisière rejettent des polluants dans l’air. On y retrouve notamment des particules ultra fines. Mais des pistes existent pour améliorer la situation

Le 1er juin 2023, la travée centrale du Pont Chaban-Delmas s’est levée pour laisser passer le plus grand paquebot résidentiel privé. Avec ses 196 mètres de long pour 30 mètres de large, The World n’est pourtant pas le plus grand de la quarantaine de bateaux de croisière annoncés cette année. Bordeaux s’enorgueillit en effet d’être « une des rares escales européennes permettant aux paquebots d’accoster au coeur de la ville ». Mais leur présence à quai ne fait pas l’unanimité. Car ces mastodontes rejettent des polluants, spécifiques à la combustion des carburants marins, moins raffinés que les autres.

La composition chimique des panaches dévoilée

Des études récentes, réalisées dans les grands ports Ajaccio, Bastia, Marseille, Nice et Toulon, ont permis d’identifier les polluants émis par les panaches des navires. On y retrouve des hydrocarbures aromatiques polycycliques comme le naphtalène, des métaux lourds tels que le nickel et le vanadium, du carbone suie, des oxydes d’azote ou de soufre, des composés organiques volatiles. Sans compter des gaz à effet de serre, comme le CO2. Mais c’est surtout le nombre important de particules ultra fines (PUF) observées à l’intérieur de ces panaches qui pose problème.

Des particules ultrafines & nocives

« Leur nombre peut atteindre jusqu’à 700 000 particules/cm3 », souligne Barbara D’Anna (CNRS, Université Aix-Marseille), coordinatrice d’une étude sur la mesure de 97 panaches de navires en escale à Marseille, premier port de croisière de France (2). Un chiffre élevé, d’autant plus inquiétant que ces particules ultrafines « de l’ordre de 30 à 40 nanomètres en moyenne, ont un grand pouvoir de pénétration ». Elles sont si petites qu’elles passent dans le sang, et endommagent l’appareil respiratoire et cardio-vasculaire. Raison pour laquelle l’Anses préconise leur suivi renforcé.

« La combustion d’un litre de carburant marin dans un moteur de navire émet jusqu’à 80 000 fois plus de particules que la combustion d’un litre de carburant brûlé dans un moteur thermique diesel équipé d’un filtre à particules. » 

AtmoSud 

Les riverains particulièrement exposés

Les habitants des quartiers proches des terminaux de croisière sont particulièrement exposés à ce risque. « Les émissions des navires ont un impact significatif sur la dégradation de la qualité de l’air sur des durées courtes, de l’ordre de la dizaine de minutes quand ils sont à quai. Les zones d’impact durant ces périodes sont très localisées, à l’échelle d’un quartier. Mais sur ces durées, les panaches des navires peuvent être une source de pollution importante qui se surajoute à la pollution urbaine », synthétise Alexandre Armengaud, responsable de la coopération scientifique d’AtmoSud

Des solutions existent

Afin d’améliorer la qualité de l’air des villes-ports, la réglementation internationale impose désormais d’utiliser un carburant à basse teneur en soufre. « Cette action, mise en place en 2020 et plutôt bien respectée, a permis de réduire la formation de particules secondaires et apporte une amélioration de la qualité de l’air à l’échelle du bassin et du littoral méditerranéens ». 

Des solutions sont aussi en cours de déploiement comme l’électrification des quais qui évitera aux bateaux de faire tourner leurs moteurs. « plus de moteur, plus de combustion, plus de particules et autres » résume Alexandre Armengaud. D’importants travaux sont en cours ou vont démarrer dans les principaux ports du Sud. Et ce, dans le cadre du dispositif « Escales zéro fumée » voté en 2019. D’autres ports, comme celui de Bordeaux, ont également fait ce choix.

D’autres leviers existent : faire fonctionner les navires au gaz naturel liquéfié, ou se doter de systèmes de dépollution… En 2022, La Méridionale a ainsi été le premier armateur au monde à installer un filtre à particules sur les cheminées du Piana. Cet équipement permet de réduire de plus de 99% les émissions de particules de ce ferry. À quand un filtre à particules sur tous les bateaux de croisières ? 

Alexandrine Civard Racinais

  • (1) Etudes menées dans le cadre des projets SCIPPER & AerNostrum 
  • (2)Résultats présentés par AtmoSud, Qualitair Corse et le Laboratoire Chimie Environnement du Cnrs, lors d’une conférence sur le thème « Qualité de l’air et transport maritime », le 23 mai 2023.

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