PHOTO Guillaume Carnir / ONF

Plus de sept mois après le méga feu qui a détruit 20 000 hectares dans le secteur de Landiras, en Sud Gironde, la surveillance reste de mise. Car un feu zombie se cache sous la surface du sol. Un feu souterrain et silencieux, mais inexorable.

1- La lignite, combustible idéal

Au cœur du domaine départemental d’Hostens, situé à une vingtaine de kilomètres de Landiras, les berges des lacs exhalent encore ça et là des fumerolles, témoins d’une activité souterraine. A moins d’un mètre sous la surface, un feu zombie continue à progresser, à la faveur de veines de lignite. Le domaine d’Hostens recouvre un ancien gisement de lignite exploité au début du XXe siècle pour produire de l’électricité.

La lignite est un charbon brunâtre mou présentant des restes fossiles de plantes, intermédiaire entre le charbon bitumineux et la tourbe. Issue de la décomposition de la matière organique accumulée au fil du temps, elle contient plus de 70% de carbone, ce qui fait d’elle un support propice à la combustion.  

2- Des possibles départs d’incendie en surface

Les feux de lignite ou de tourbe ne génèrent pas de flammes, ni de panache de fumée. Les fumerolles peuvent être d’un blanc transparent semblable à de la vapeur d’eau, ce qui les rend difficiles à repérer. PHOTO Guillaume Carnir / ONF

Contrairement à un feu de végétation, « un feu de lignite a une vitesse de propagation lente, de un à deux mètres par semaine » précise Anthony Collin, enseignant-chercheur à l’université de Lorraine, rattaché au LEMTA. Ses besoins sont limités : un peu de matière sèche et une faible teneur en oxygène lui suffisent. « Là où un feu de végétation a besoin de 16 à 21% d’oxygène à l’air libre, un feu de lignite peut se contenter d’un taux de 13% alimenté par des fissures qu’il a lui-même créées dans le sol ». 

Résultat, le « front de combustion » ressemble plus à une toile d’araignée horizontale qu’à un mur de flammes vertical. Même si ça et là, « une veine de lignite peut remonter vers la surface et créer un point chaud, avec départ d’incendie ». Tel un zombie surgissant là où on ne l’attendait pas.

3- Un hiver sec qui n’a pas noyé les veines de lignite

Les agents de l’ONF, gestionnaire du domaine d’Hostens, comptaient sur l’hiver pour stopper la progression de cet ennemi silencieux. Malheureusement « il n’a pas plu suffisamment pour que la nappe phréatique noie les veines de lignite », soupire Francis Maugard, responsable des risques naturels à l’ONF Landes Nord Aquitaine. Et pour cause… Météo France a classé l’hiver 2023 en Nouvelle Aquitaine au 14e rang des hivers les moins arrosés depuis 1959. 

En l’état actuel des choses, « la combustion va se poursuivre, car la marche d’un feu de lignite est inexorable, souligne le chercheur Anthony Collin. Tout ce que l’on peut espérer c’est que la veine finisse par se tarir. Le feu s’arrêtera alors de lui-même », ou pas. Aux États-Unis, le feu souterrain qui a conduit à l’abandon de la ville de Centralia, en Pennsylvanie, a démarré en mai 1962… Il continue à se propager dans la couche de charbon de Buck Mountain.

Sur le domaine d’Hostens, les autorités surveillent étroitement la zone, dont une grande partie reste interdite d’accès jusqu’à nouvel ordre.

Alexandrine Civard-Racinais

Quelques repères :

  • Au cours de l’été 2022, des incendies exceptionnels ont détruit plus de 30 000 hectares de forêt en Gironde (notamment à La Teste de Buch, Landiras, Saint-Magne, Saumos et Arès).
  • Le dernier feu de Landiras (Landiras 2 qualifié de méga feu) a été officiellement déclaré éteint le 28 septembre 2022, après 49 jours de lutte.
  • Mi-avril 2023, des fumerolles étaient encore visibles ponctuellement , témoignant de la présence de feux souterrains.

A retenir :

  • Un feu zombie est un feu souterrain, qui se consume lentement, sans flamme et peut durer des années. 
  • Les sols riches en tourbe ou en lignite sont particulièrement propices à la propagation de tels feux.

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