À l’échelle mondiale, la détérioration de la qualité de l’air est un souci majeur, car son impact sur notre qualité de vie au sens large est considérable. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le coût de la pollution atmosphérique sur la santé et la mortalité dans les pays de l’Union européenne en 2010 s’élève à 1,575 milliard de dollars.

La pollution atmosphérique est responsable de nombreuses pathologies plus ou moins graves comme les allergies, l’asthme, les infections pulmonaires et les maladies cardiovasculaires. Plus encore, dans le contexte de la crise sanitaire actuelle, des chercheurs ont montré que l’exposition à la pollution de l’air (principalement aux PM10 (particules de tailles inférieures à 10 µm), PM2,5 (particules de tailles inférieures à 2,5 µm), ozone, dioxyde d’azote) est non seulement un facteur de comorbidité du SARS-COV-2, mais aussi de sa transmission dans les environnements intérieurs.

Enfin, il est également reconnu que la pollution de l’air a un impact environnemental majeur sur la visibilité (brouillard), sur la biodiversité et sur le bâti (encrassement des bâtiments notamment).

Les sources d’émission routières

La contribution des transports routiers aux émissions de polluants atmosphériques est significative pour de nombreuses substances, qu’elles soient gazeuses ou particulaires. Les émissions liées au transport routier sont généralement classées en deux catégories : les émissions issues de l’échappement (EE) qui sont issues principalement de la combustion imparfaite du carburant et les émissions hors échappement (EHE) qui proviennent non seulement de l’usure des revêtements (route, pneus, plaquettes de frein), mais aussi des particules déposées sur les chaussées et qui peuvent être remises en suspension par les turbulences générées par la circulation des véhicules et par le vent.

Schéma de la remise en suspension des particules. Ahmed Benabed, Fourni par l’auteur

Au cours des dernières décennies, les travaux de recherche et développement, les mesures politiques principalement axées sur les EE combinées à des réglementations de plus en plus strictes imposées aux fabricants de véhicules (normes EURO) ont entraîné une baisse de la contribution en pourcentage des particules d’échappement sur les concentrations ambiantes totales des particules. Cependant, il a été démontré que même avec zéro EE, le trafic continuera à contribuer à l’émission de particules fines et ultrafines à cause des EHE.

La contribution de la remise en suspension

Ces dernières années, des efforts de plus en plus importants ont été déployés par les organismes de recherche afin d’améliorer les connaissances scientifiques sur les EHE et notamment les particules issues de la remise en suspension. Les différentes études conduites dans le but d’étudier ce phénomène ont montré qu’il dépend à la fois du type de véhicule (son poids principalement), de sa vitesse et des caractéristiques du revêtement de la chaussée. Concernant la contribution de la remise en suspension, il a été montré que ces émissions peuvent dépasser 50 % des émissions globales dans certaines conditions.

Compte tenu de ces éléments, on comprend mieux la nécessité d’approfondir l’état des connaissances sur le phénomène de remise en suspension des particules associé aux passages des véhicules. En particulier, il est important de s’intéresser aux mécanismes qui influencent le détachement des particules d’une surface et ensuite à leur dispersion dans l’environnement proche du véhicule.

Afin de caractériser de façon efficace la remise en suspension, il est important de commencer par comprendre ses mécanismes d’émission. Cet objectif constitue un vrai défi au regard des nombreux paramètres qui influencent le phénomène et qui peuvent interagir entre eux. Physiquement, la remise en suspension de particules produite par le passage d’un véhicule est le résultat des interactions roue/sol et roue/air. Ces interactions génèrent deux principales perturbations : mécaniques (vibrations du sol, forces électrostatiques liées aux frottements entre les surfaces) et aérodynamiques (écoulements turbulents liés à la rotation de la roue).

Ces perturbations interagissent avec les particules initialement déposées sur la chaussée sous l’effet des forces d’adhérence. Sous l’action combinée de différents paramètres, ces particules peuvent être réentraînées de façon directe (la particule se détache de la surface du sol) ou indirecte (la particule s’attache dans un premier temps sur la surface de la roue puis se détache de cette dernière par éjection centrifuge).

Après leur réentrainement, les particules peuvent se redéposer sur la route, sur la structure du véhicule ou être transportées dans l’atmosphère environnante sous l’action des écoulements d’air (perturbation aérodynamique créée par la roue, par la voiture et par le vent). Une fois remises en suspension, ces PHE ont également la capacité de se disperser vers les trottoirs et/ou d’infiltrer les véhicules suiveurs et ainsi exposer les piétons et les occupants, respectivement, à des niveaux élevés de particules.

Le projet CEPARER

Dans ce contexte, un projet intitulé Caractérisation des émissions de particules remises en suspension par les véhicules routiers (CEPARER) est actuellement mené par une équipe de chercheurs de l’École supérieure des techniques aéronautiques et de construction automobile (ESTACA) en partenariat avec Airparif et l’Union technique de l’automobile, du motocycle et du cycle (l’UTAC). Ce projet est soutenu par l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) dans le cadre du programme AQACIA2020 (Amélioration de la qualité de l’air : comprendre, innover, agir) lancé en 2020.

L’objectif du projet CEPARER est l’étude fine des mécanismes contribuant à favoriser la remise en suspension des particules, la caractérisation des modes d’émission et les facteurs principaux influençant la remise en suspension (vitesse, catégorie et poids du véhicule et type de pneumatique). Le projet qui s’étendra sur trois ans (2022-2025) sera réalisé en deux parties : une étude en laboratoire sur un banc d’essai à l’ESTACA et une étude à l’extérieur sur l’une des pistes de l’UTAC à l’autodrome de Linas-Montlhéry. Ces deux phases du projet doivent permettre d’obtenir des informations importantes sur les concentrations et granulométries des particules remises en suspension, selon le type de véhicule, sa vitesse et le type de pneu. Les facteurs favorisant ce phénomène seront également étudiés.


Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 7 au 17 octobre 2022 en métropole et du 10 au 27 novembre 2022 en outre-mer et à l’international), dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Le changement climatique ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.

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