D’ici 2023, l’Europe devrait se doter d’une législation contraignante pour bannir les produits issus de la « déforestation importée ». Pourquoi est-ce un enjeu ? Nous avons posé la « question à » Eric Moranval, chargé de campagne forêts chez Greenpeace France qui s’est beaucoup mobilisée en faveur de cette loi

« On entend par « déforestation importée » tous les produits issus de la déforestation ou de la dégradation de forêts naturelles importés ou commercialisés en Europe. Ces produits sont la conséquence d’une véritable catastrophe écologique. Car ces forêts sont dévastées ou dégradées pour notre consommation, notamment alimentaire, ou celle de nos animaux d’élevage. A elle seule, du fait de ses importations, l’Europe est responsable de 16% de la déforestation à l’échelle mondiale. Et la moitié des surfaces déforestées sont liées à l’importation de viande, de soja et d’huile de palme.

Le Cerrado, un écosystème complexe constitué de prairies, de savanes et de forêts (en Amérique du Sud, notamment au Brésil), est gravement menacé. 10% de ce territoire, grand comme la moitié de l’Union europénne, est grignoté par des champs de soja qui s’étendent à perte de vue. Le Gran Chaco, deuxième plus grande forêt d’Amérique du Sud à cheval sur l’Argentine, la Bolivie et le Paraguay1, pâtit également de l’expansion agricole.

Vers une définition plus stricte de la déforestation

Le soja brésilien ou argentin, ou l’huile de palme indonésienne issu de la déforestation importée se retrouvent donc dans nos assiettes. Il peut aussi s’agit d’un carton d’emballage issu de la dégradation de forêts naturelles en Finlande. Et il est souvent difficile pour le consommateur2 de savoir s’il participe par son acte d’achat à ces dégradations. Même les labels3 ne sont pas une garantie absolue. D’où l’importance d’une législation européenne contraignante. 

Un premier texte de loi, peu enthousiasmant, a été proposé par la Commission européenne. Le parlement européen est allé plus loin, en votant le 13 septembre 2022, en faveur d’une définition plus stricte de la déforestation et des dégradations faites aux forêts, mais aussi aux autres terres boisées. C’est un très bon texte dont Greenpeace et d’autres ONG se sont réjouis ! Si elle est adoptée en l’état, cette loi permettra de bannir les produits issus de la déforestation importé et de sanctionner les entreprises qui continuent à en importer. 

Il faut maintenant que les trois instances de l’UE : le Conseil Européen, la Commission européenne et le Parlement européen se mettent autour de la table pour aboutir à un accord. La République Tchèque, qui assure la présidence tournante de l’UE souhaite aboutir à une décision avant début 2023. La loi entrerait alors en application courant 2024. Il s’agira ensuite que des moyens de contrôle adéquats et des moyens financiers soient mis en place. Nous resterons très vigilants.

Propos recueillis par Alexandrine Civard-Racinais

  • 1. NASA Earth Observatory, “Deforestation in  Paraguay” ; Oliveira G & Hecht S (2016).
  • 2. 1,2 millions de citoyens ont dit non à la déforestation importée à l’occasion d’une consultation européenne lancée en 2020.
  • 3. Une étude (en anglais) publiée le 10 mars 2021 par Greenpeace International a révélé que ces labels ne garantissaient pas l’absence de déforestation, de destruction d’écosystèmes et de violations des droits humains.

3 façons de ne pas participer à la déforestation importée

• Végétaliser son alimentation, « c’est le levier le plus important pour agir, puisque l’alimentation est le principal vecteur de la déforestation importée aujourd’hui en Europe » ;

• Ne plus acheter de bois exotiques même labellisés ; 

• Bannir l’huile de palme de son assiette, et rester attentif à la composition des aliments transformés, car « l’huile de palme se glisse partout ».

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