Sur ce crâne humain ont été esquissés au crayon rouge les zones supposées de diverses facultés selon le système de Gall. PHOTO : Musée national de la Marine / P. Dantec

L’expression « Avoir la bosse des maths » a été forgée au XIXe siècle, dans le sillage des des travaux de Franz Joseph Gall, père de la phrénologie. La galerie des crânes présentée à l’école de médecine navale de Rochefort est l’un des rares témoignages de l’engouement des scientifiques de l’époque pour cette discipline, aujourd’hui considérée comme une pseudo-science

On vous a dit que vous aviez la bosse des maths, et vous avez haussé le sourcil avec scepticisme… sans savoir que cette fameuse bosse se trouvait juste en dessous ! Du moins si l’on en croit Franz Joseph Gall (1758-1828), père de la phrénologie. Au début du XIXe siècle, ce médecin allemand jette les bases de la cranioscopie ou phrénologie  (1) : « art de reconnaître les instincts, les penchants, les talents et les dispositions morales et intellectuelles des hommes et des animaux par la configuration de leur cerveau et de leur tête ». 

L’historien des sciences Marc Renneville (2) résume : « Pour Gall, toutes les facultés intellectuelles et morales étaient localisées dans les « organes » du cerveau. Un plus ou moins grand développement de l’organe d’une faculté provoquait sa plus ou moins grande activité chez l’individu qui la possédait. Partant du principe (erroné) que les protubérances de l’enveloppe crânienne correspondaient à celles du cerveau, il lisait les aptitudes et les penchants de chacun en repérant les saillies et les méplats des crânes »,.

Le sens des Nombres fait partie des 27 dispositions morales et intellectuelles recensées par Gall. Il porte le numéro 8. Dessin extrait de Crâniologie, ou découvertes nouvelles concernant le cerveau, le crâne, et les organes, Paris, 1807. 

L’organe des Nombres

Dans son ouvrage Crâniologie, ou découvertes nouvelles concernant le cerveau, le crâne, et les organes, paru en 1807, Gall situe l’organe des Nombres « au dessus et en dehors de la cavité des yeux ». Cet organe témoigne de l’aptitude pour le calcul et les mathématiques. « Là où il existe dans un haut degré, il s’élève vers les tempes un renflement qui donne à la tête une apparence carrée. Cet organe est très fortement exprimé sur un buste de Newton, et en général il est très visible chez les grands mathématiciens ». La bosse des maths était née !

Une théorie enseignée de Harvard à Rochefort

Le musée de l’ancienne école de médecine navale de Rochefort présente une galerie de crânes phrénologiques, complétée par des moulages de crânes d’assassins célèbres au XIX°. PHOTO : Musée national de la Marine / R. Osi

À une époque ou hommes de lettres et de sciences débattent avec passion du siège de l’entendement humain, cette théorie se répand dans toute l’Europe et traverse même l’Atlantique. Dès 1821, elle est enseignée à Harvard ! En France, ou Gall est installé (3), elle connait son apogée en 1831, date à laquelle François Broussais fonde la Société de Phrénologie de Paris.

Des moulages en plâtre des bustes de Gall et Broussais sont visibles au sein de l’école de médecine navale de Rochefort qui présente aussi une belle collection de phrénologie (cf encadré ci-dessous). « Cette collection a été constituée à des fins d’enseignement et de recherche dans les années 1837-1840. Elle témoigne de l’effervescence qui régnait au sein de l’école de Rochefort, irriguée par les idées de l’époque », commente Valérie Vachon-Bellavance, adjointe de l’administratrice du Musée de la marine et de l’école de médecine navale de Rochefort.

Splendeur et décadence

Mais les temps changent… À partir de 1880, le nom de Gall et le terme de phrénologie disparaissent des sociétés savantes françaises. Ravalée au rang de pseudo-science, la phrénologie n’est plus enseignée. Depuis des recherches par imagerie cérébrale ont montré qu’il n’y a pas qu’une seule zone activée dans le cerveau lors de calculs mathématiques mais bien plusieurs, qui varient selon le type de calcul demandé. Et cette activation ne provoque pas de « bosse des maths ». Encore une idée reçue qui se dégonfle…

Alexandrine Civard-Racinais

(1) Le terme « phrénologie » a été forgé en 1810 par un disciple, Johan Kaspar  Spurzheim (1776-1832).

(2) https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00130213/document

(3) Il sera naturalisé français en 1819.

Les bagnards au service de la phrénologie

Présentée au sein des collections scientifiques de l’école de médecine navale de Rochefort, la galerie des crânes est l’un des rares témoignages visibles de l’engouement des scientifiques du XIXe siècle pour la phrénologie. La présence d’un bagne (1766-1852) à l’intérieur de l’arsenal de Rochefort a contribué à sa constitution. A partir de 1835, les crânes des forçats décédés sont conservés dans ce but. « Cette collection est d’ailleurs la seule à ne pas être anonyme. On connait le nom de tous les bagnards dont les crânes sont exposés et les motifs de leur condamnation… », commente Valérie Vachon-Bellavance, adjointe de l’administratrice. 

• Crânes et collections scientifiques sont à découvrir de préférence dans le cadre de la visite guidée « Officier de santé » : 1h30, sur réservation.

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