Une nouvelle espèce de ver plat vient d’être décrite. Découvert dans les Pyrénées-Atlantiques, grâce à l’aide de particuliers, il porte à une dizaine le nombre d’espèces de Plathelminthes terrestres introduits en France. Et ce n’est pas fini!

Humbertium covidum n’est pas le nom d’une nouveau variant du SARS-COV-2 mais d’une nouvelle espèce de Plathelminthe terrestre introduit. Autrement dit l’un de ces vers plats qui colonisent nos jardins depuis plus d’une décennie, sans que personne ne s’en soit vraiment ému avant 2014 et les premières publications de l’équipe de Jean-Lou Justine, professeur de zoologie au MNHN. « Cela met en évidence un angle mort inattendu des scientifiques et des autorités face à ce qu’il faut bien appeler une invasion », déplore l’intéressé.

La constance du jardinier 

Si les scientifiques ne se bousculent pas (encore) pour étudier ces prédateurs invasifs, les jardiniers sont de plus en plus nombreux à s’inquiéter de leur présence. « Je reçois un signalement par mail chaque jour, toutes espèces confondues, avec des pics après chacune de mes interventions dans les médias » se réjouit Jean-Lou Justine qui a mis en place un site personnel dédié. La méthode est chronophage, mais payante !

« Grâce à la science participative, c’est-à-dire des particuliers qui nous aident en nous envoyant des photos, des vidéos, voire des spécimens découverts dans leurs jardins, nous venons de décrire une nouvelle espèce baptisée Humbertium covidum ».

Des informations précieuses 

Les informations collectées grâce aux signalements sont précieuses. Sur les sept spécimens français* utilisés pour décrire cette nouvelle espèce, deux ont ainsi été trouvés à plusieurs années d’intervalle dans le jardin d’une habitante de Billère (64). « C’est une indication très importante pour nous, car cela signifie qu’un individu vraisemblablement arrivé d’Asie dans un pot de fleur, est parvenu à se reproduire et à passer l’hiver ». Il est vrai que l’hiver est particulièrement doux dans les Pyrénées-Atlantiques, ce qui en fait un « paradis pour les Plathelminthes ».


Ces vers plats sont une menace pour les écosystèmes envahis, car ils sont prédateurs de gastéropodes (escargots, limaces) ou de vers de terre, architectes essentiels des sols. PHOTO Pierre Gros.

Nouveaux signalements bienvenus

Il fallait avoir de bons yeux pour voir « la bête, petite, noire et vraisemblablement nocturne ». Et il faudra sans doute une loupe pour dénicher sa progéniture ! « J’aimerais bien recevoir des photos de cocons de ponte » rêve à voix haute le zoologue. Cachés sous une planche de bois ou une tuile retournée, chaque cocon pourrait ressembler à une boule rouge, devenant ensuite noire et n’excédant pas 3 mm. « J’aimerais bien recevoir aussi des signalements émanant d’autres départements, car je suis sûr qu’il y en a ailleurs… »

Chronique d’une invasion annoncée

Pour l’heure, Humbertium c. est officiellement présent dans deux communes des Pyrénées-Atlantiques distantes d’une centaine de kilomètres, mais il ne va sans doute pas s’arrêter là. Car une récente modélisation portant sur le risque d’invasion par les vers plats en fonction de facteurs climatiques révèle que « chacune des cinq espèces étudiées est susceptible de trouver des zones climatiques favorables à sa survie » en France. Deux espèces (Bipalium kewense et Diversibipalium multilineatum) sont déjà présentes, auxquelles s’ajoute ce nouveau venu.

« Humbertium covidum est donc un exemple de plus d’espèce exotique introduite, qui à terme menace la biodiversité, souligne Jean-Lou Justine. Espérons qu’à la différence du virus qui lui a donné son nom, elle n’envahisse pas le monde. » Raison de plus pour ouvrir l’œil afin de freiner, si c’est encore possible, son expansion.

Alexandrine Civard-Racinais 

* Une vingtaine de spécimens venus d’Italie où ce ver plat avait déjà été repéré en 2019 ont également été utilisés pour décrire sa morphologie et son anatomie.

Fiche d’identité 

  • Nom : Humbertium covidum
  • Famille : bipaliinés ou « vers à tête en marteau »
  • Origine : Asie du sud
  • Taille : 2 centimètres
  • Reproduction : sexuée
  • Caractéristique particulière : corps de couleur noir comme « du métal liquide »

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A voir : « Les Plathelminthes terrestres, nouveaux envahisseurs de nos jardins », conférence de Jean-Lou Justine.

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