De loin, de très loin même. Tellement que si on veut suivre sa piste, on se perd dans les dates et les symboles. Le carnaval avance masqué, c’est la moindre des choses

Comme toujours, c’est chez les Romains qu’on en trouve des traces assez floues. Autour du solstice d’hiver, ils avaient leurs saturnales, grandes fêtes  d’inversion des codes où les maîtres jouaient les esclaves et vice versa.

Symboliquement, d’ailleurs : un esclave qui s’imprégnait un peu trop de son nouveau rôle avait des chances d’en subir les conséquences après les fêtes. Puis, vers fin février, début mars (ce qui colle à la date de carnaval), on trouvait les lupercales (fêtes officielles) ou les bacchanales qui, elles, sentaient le soufre et la luxure. Bref, si on contracte le principe d’inversion du monde des saturnales et les dates des autres fêtes, on obtient carnaval. Voilà pour l’inspiration la mieux documentée.

Inversion sociétale

Plus généralement, le carnaval, sous diverses formes, est lié dans tout l’hémisphère Nord à toutes les fêtes de renouveau de la nature, lorsque les rigueurs de l’hiver s’estompent et que les premiers bourgeons apparaissent. Dans la plupart des civilisations préchrétiennes et au début même de celle-ci, c’est à ce moment que commence l’année nouvelle. Il fallait quand même avoir une sacrée imagination pour placer le début de l’année, comme on le fit au XVIe siècle, en plein dans la période la plus sombre du calendrier. Bref, la nature renaît, la sève monte et l’on a envie de célébrer ça, d’où des fêtes débridées où la gaudriole tient une place de choix.

En mars, les vents dominants changent de direction, le cours de la nature s’inverse et l’homme fait de même : les pauvres jouent aux riches, les hommes se déguisent en femmes… Comme à son habitude, l’Église catholique reprendra à son compte ce qu’elle ne peut éliminer malgré son désir : le côté inversion sociétale, rituels orgiaques et grosses blagues, elle n’a jamais été très fan mais elle fait avec. Elle tolère ainsi carnaval accolé à mardi gras, qui marque l’entrée dans le carême, un peu plus de quarante jours avant Pâques.

En gros, c’est Pâques qui compte, et tombe le premier dimanche suivant la première lune d’après le 21 mars (équinoxe de printemps). D’où le côté festif : avant de jeûner pendant quarante jours, ce qui n’amuse personne, on fait le plein. Là aussi, belle récupération ecclésiastique : carême célèbre la traversée du désert par Moïse mais tombe on ne peut mieux puisqu’à cette date, dans une société paysanne qui ne sait pas encore bien conserver les aliments, il n’y a de toute façon plus rien à manger.

Avant donc d’être une fête guillerette où on fait plaisir aux petits n’enfants, carnaval est avant tout une fête orgiaque où la transgression est de mise. Pensez-y donc avant de déguiser la petite dernière en jolie princesse…

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