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Stéphanie Lukasik, docteure en sciences de l’information et de la communication à l’Université d’Aix-Marseille, explique quels sont les ressorts du succès d’une vidéo en ligne 

« La viralité d’une vidéo sur les plateformes socio-numériques dépend principalement de l’interaction des usagers récepteurs, de leurs partages. Cela en raison du fonctionnement des algorithmes, de l’affinité par ressemblance : je partage davantage parce que j’apprécie ce que diffuse une vidéo. Et nous nous rassemblons autour d’affinités communes, qui nous conduisent à relayer des contenus similaires.

Certaines personnes relaient aussi des vidéos pour les dénoncer, mais la place que cela occupe dans la viralité d’une vidéo est relativement marginale. En termes d’actualités, dans ce que j’analyse, les vidéos les plus virales sont celles qui concernent des faits divers, qui sont sensationnalistes ou polémiques. Je ne parle là que d’information, j’exclus le divertissement. Or, comme on l’a vu avec le documentaire complotiste Hold-up, la viralité ne dépend pas de la vérité des faits qui sont présentés. Elle n’a pas vraiment d’influence : beaucoup d’usagers récepteurs vont partager sans même vérifier la source, et cela toutes catégories socioprofessionnelles confondues. C’est un élément problématique : dès lors que l’on a un contenu filmé, peu de personnes se posent la question du montage et du formatage que peut avoir subi cette vidéo. Et donc de sa véracité.

« Ni les créateurs de contenus ni les médias peuvent décider d’une viralité »

Lorsqu’une vidéo virale présente des choses fausses, son débunkage peut avoir autant d’échos à condition qu’il soit aussi partagé par de très nombreux usagers récepteurs. Mais cela, personne ne peut le prévoir : ce ne sont ni les créateurs de contenus ni les médias qui peuvent décider d’une viralité, ce sont uniquement les interactions des internautes, de leur volonté de diffuser ou non telle ou telle information.

Stéphanie Lukasik

Facebook, par exemple, donne la priorité aux contenus publiés par des amis et pas par des médias professionnels. Donc les internautes qui relaient des vidéos qui présentent un autre point de vue que le leur ou rétablissent des faits sur un contenu qu’ils ont diffusé font vraiment preuve d’une envie d’aller chercher la vérité et de ne pas se conforter dans leur bulle. C’est toute la problématique des médias professionnels sur les plateformes socio-numériques, essayer d’être rendus visibles par les algorithmes. Ils sont confrontés à une temporalité à court terme qui n’est pas à l’avantage d’un format d’analyse tel qu’ils le pratiquaient autrefois. Il faut une prise de conscience de leur part pour ne pas, dans cette quête de visibilité, négliger leur déontologie, la vérification, le recoupage des informations.

Mais il faut aussi une prise de conscience de la part des internautes qui n’ont pas le réflexe de vérifier l’information diffusée. D’autant que les formats courts, très en vogue sur les plateformes socio-numériques ne favorisent pas la contextualisation. Mais ce n’est pas forcément une fatalité, en témoigne le succès d’une chaine comme Thinkerview qui multiplie au contraire les interviews long format. Leurs vidéos deviennent virales parce que les usagers récepteurs les relaient et interagissent avec elles. »

Stéphanie Lukasik est autrice de L’influence des leaders d’opinion. Un modèle pour l’étude des usages et de la réception des réseaux socionumériques, paru en 2021 aux éditions de L’Harmattan.

Retrouvez tous les articles de notre série sur l’esprit critique ici.

Propos recueillis par
Jean Berthelot de La Glétais

 

Avec le soutien du ministère de la Culture

 

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