Une étude franco-américaine révèle que l’Amazonie brésilienne rejette désormais plus de C02 qu’elle n’en absorbe. En cause : la déforestation, mais aussi les dégradations en tout genre
Le « poumon vert » de la planète est en piètre état. Non seulement, il perd de sa surface et donc, des capacités de stockage du carbone, mais il participe désormais activement aux émissions carbone. Une « inversion de tendance historique », aux dires des auteurs d’une étude portant sur l’impact des dégradations liées au climat et aux activités humaines sur les stocks de carbone (la biomasse forestière) de l’Amazonie brésilienne. Leurs résultats, publiés le 29 avril 2021 dans la revue Nature Climate Change, sont édifiants.
Près de 65 % de la forêt amazonienne se situent au Brésil
Une augmentation de la déforestation en 2019
Cette étude, réalisée par une équipe franco-américaine associant des chercheurs de l’INRAE, du CEA et de l’université de l’Oklahoma, confirme tout d’abord une augmentation importante de la déforestation en 2019. La partie brésilienne de l’Amazonie a ainsi perdu 3,9 millions d’hectares de sa biomasse forestière, soit quatre fois plus qu’en 2017 et 2018.
Une augmentation « vraisemblablement corrélée au récent déclin des politiques de protection de la forêt » suite à l’accession au pouvoir de Jair Bolsonaro. En poste depuis début 2019, le président brésilien est surnommé « capitaine tronçonneuse » par ses détracteurs qui l’accusent de sacrifier la forêt sur l’autel de l’agro-business. De fait, l’élevage, en particulier l’élevage bovin, représente aujourd’hui la principale cause de déforestation en Amazonie.
Un bilan carbone négatif depuis dix ans
L’autre enseignement de cette étude, et non des moindres, porte sur le bilan carbone de cette immense forêt tropicale, souvent présentée comme le « poumon vert de la planète » en raison de son rôle dans le stockage du carbone. Or, durant la période 2010-2019, l’Amazonie brésilienne a émis environ 18% de plus de carbone qu’elle n’en a absorbé, avec 4,45 milliards de tonnes rejetées, contre 3,78 milliards de tonnes stockées. Ce qui signifie qu’elle participe désormais aux émissions de gaz à effet de serre additionnels, impliqués dans le processus de réchauffement climatique !
Jusqu’à présent, les forêts tropicales captaient une partie du carbone et nous protégeaient contre nos émissions de CO2. Mais il ne faut plus compter sur les forêts brésiliennes. Notre dernier rempart est en train de basculer. » Jean-Pierre Wigneron, chercheur à l’INRAE, Bordeaux Sciences Agro, et co-auteur de l’étude, au micro de nos confrères de France Info.
Il n’y a pas de « petites » dégradations
Et la déforestation à marche forcée de la forêt amazonienne n’est pas seule en cause. En combinant les observations satellitaires de surveillance de la déforestation et celles de la biomasse forestière, les chercheurs ont mis en évidence le rôle prépondérant des dégradations forestières en tout genre (lire encadré) : « la dégradation de la forêt est devenue le principal moteur de ces pertes de carbone ». Sur les dix années étudiées, l’ensemble de ces dégradations ont eu un impact sur le stock de carbone trois fois supérieur à la seule déforestation. Il est donc urgent de les prendre en compte afin de protéger au mieux la forêt brésilienne (et les autres) et de préserver leur capacité de stockage du carbone, essentielle pour atténuer le changement climatique.
Alexandrine Civard-Racinais
Dégradations versus Déforestation
Tandis que le monde entier s’indigne de la déforestation galopante de l’Amazonie brésilienne, les multiples dégradations subies ont tendance à être minimisées voire ignorée. Par dégradations il faut entendre « tous les évènements qui abiment une forêt sans pour autant la détruire », rappelle l’INRAE dans son communiqué.
Ces dégradations peuvent résulter d’activités humaines (arbres fragilisés en bordures de zones déforestées, mais aussi coupes ponctuelles d’arbres ou incendies…) ou d’évènements climatiques, comme les sécheresses qui augmentent la mortalité des arbres ou les pertes de branches et de feuilles au sein d’une forêt. Pour l’instant, il est encore impossible de discriminer les deux types de dégradations, mais les scientifiques y travaillent. /