Students doing the exam in classroom

Curieux destin que celui du contrôle continu à l’examen du baccalauréat. Après avoir été longuement et fortement refusé, tant par les enseignants que par les lycéens, et leurs syndicats respectifs, le voilà plébiscité, par les mêmes. Ceux qui étaient révulsés par la perspective de l’introduction d’une dose (même faible) de contrôle continu se mobilisent aujourd’hui pour que le bac soit attribué selon cette seule modalité d’évaluation !

Certes, les candidats bacheliers de cette année ne sont plus à strictement parler les « mêmes » que ceux des jours (heureux ?) d’avant la réforme « Blanquer », qui a justement acté la prise en compte du contrôle continu dans les notes du bac, et surtout d’avant la pandémie. Certes, les circonstances ont changé. Mais doit-on alors se résigner à être sous le joug des circonstances, jusqu’à en devenir le jouet ?

Qu’est-on en droit d’attendre du bac ?

C’est le problème du sens et de la place du contrôle continu dans une perspective d’évaluation finale qui se trouve soulevé. Et ce problème ne peut être résolu que si l’on pose la question, préalable, de la finalité d’un examen tel que le bac.

En imposant un examen de ce type à la fin du lycée, que veut-on faire ? Pour l’essentiel, s’assurer que les lycéens se sont approprié les connaissances et compétences du curriculum, et sont, par suite, en mesure de poursuivre avec succès des études supérieures. L’examen doit pouvoir permettre de vérifier un niveau suffisant de maîtrise, en vue de certifier socialement la possession des acquis qui avaient été jugés nécessaires lors de l’élaboration du curriculum.

L’examen doit alors respecter deux impératifs, d’objectivité, et d’équité :

  • du premier point de vue, il doit être pertinent (permettre de vérifier exactement ce que l’on voulait vérifier), valide (apte à remplir cette tâche), et fiable (produire des résultats solides) ;
  • du second point de vue, il ne doit pas introduire d’inégalités dans le traitement des candidats, tant dans sa préparation, que dans son déroulement et ses épreuves.

Le choix des modalités d’examen devrait s’effectuer prioritairement en fonction de ces critères, et non de considérations d’opportunité.

Entre deux logiques : la raison, et les événements

Or, que constate-t-on ? Les tentatives de fonder ce choix en raison sont presque toujours contrariées et bousculées par des événements d’ordre politique (jeu des partis, arrière-pensées électoralistes), social (tensions syndicales, mouvements de grève, manifestations), ou sanitaire (pandémie). Le tragique de l’histoire (« le désordre apparent de la masse infinie du contingent » selon les mots de Hegel dans son Encyclopédie des Sciences Philosophiques,) vient heurter de plein fouet le jeu de la raison, déjà difficile à déployer.

Et l’on est pour ainsi dire réduit au rôle de spectateur passif regardant défiler les différents épisodes d’une « série », dont aujourd’hui le sanitaire est devenu le principal fil conducteur. Après de longues années de crispation sur 100 % de contrôle terminal, le « nouveau bac » a tenté d’établir un certain équilibre, avec 40 % de contrôle continu, dont 30 % d’épreuves spécifiques communes, versus 60 % d’épreuves finales.

Mais les événements sont passés par là. Et, ironie de l’histoire, le contrôle continu a fait un grand bond en avant par surprise au bac 2020 (parfois dit « bac Covid »), où il a finalement atteint les 100 %.

Mobilisation de lycéens du Tarn inquiets avant les épreuves du baccalauréat (France 3 Occitanie, 3 mai 2021).

En 2021 se profile le risque d’un bac que certains qualifient de « gratuit », parce qu’attribué sans aucune épreuve spécifique. Avec à nouveau le choix du « tout contrôle continu », choix non plus simplement contraint par les événements, mais imposé, au nom de la justice et de l’équité, par les acteurs les plus nombreux (parents, syndicats, élèves). Or, dans l’état actuel des choses, on en est déjà à 80 %.

Un peu de raison dans l’histoire ?

La question se complique du fait que l’on peut distinguer deux formes de contrôle continu :

  • le contrôle continu spécifique, avec des épreuves dédiées (type : E3C, ou « épreuves communes ») ;
  • le contrôle continu simple (épreuves et notes scolaires habituelles au fil de l’année).

L’histoire récente peut faire craindre un triomphe définitif, par « jet de l’éponge », du contrôle continu simple, « de plus en plus contraint par les turbulences d’ordre humain (ex. : manifestations et opérations de blocage) ou naturel (ex. : pandémie de coronavirus), qui tendent à rendre presque impossible la tenue d’un examen de très grande ampleur temporelle et spatiale, ayant le double caractère terminal et national ».

Pourquoi « craindre » ? Parce que le choix de la bonne formule, pour un examen tel que le bac, met en jeu deux tensions différentes, bien qu’entrant en corrélation. L’une, opposant le terminal au continu. Et l’autre, le national au local. Il faudrait donc, plutôt qu’être ballotté au gré des événements, bien peser les avantages et les inconvénients des quatre formes de contrôle en jeu (terminal vs continu, national vs local), pour rechercher, non pas une martingale, mais une formule tentant d’équilibrer heureusement les risques, et les bénéfices attendus, propres à chaque forme. Le baccalauréat « Blanquer » avait le mérite d’être une tentative, sans doute perfectible, dans ce sens.

Le danger est d’être tenté de penser qu’une formule imposée par les circonstances est, tout compte fait, bonne en soi, l’efficacité conduisant à la résignation. Le contrôle continu ne mérite sans doute pas davantage l’excès d’honneur actuel qu’il ne méritait son indignité passée.

Dans l’attente d’une hypothétique victoire de la raison dans cette histoire tourmentée, on peut déjà retenir deux grandes leçons des deux derniers épisodes : les choix raisonnés sont toujours préférables aux choix contraints. Et, quelle que soit la formule retenue, les candidats doivent pouvoir bénéficier d’une préparation sérieuse à l’examen, sous peine de les voir s’insurger contre son absence.The Conversation

Charles Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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