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Dans les médias, ces derniers mois, les pros et anti 5G égrènent chacun leurs arguments et se livrent bataille. Alertant depuis quelques années dans le cadre du Groupement de Services CNRS EcoInfo sur l’impact écologique du numérique, Annabelle Collin, maîtresse de conférences à Bordeaux INP (ENSEIRB-MATMECA), soulève les enjeux et tranche. Interview

 

« Actuellement aucun chiffre avancé sur la 5G et son impact écologique n’est vraiment fiable. Ceux évoqués par les lobbies et opérateurs de télécommunication ne portent que sur la consommation électrique, ce qui est une erreur. Il faudrait évaluer l’ensemble de la chaîne liée à cette nouvelle technologie, de la production d’objets technologiques (téléphones portables, écrans…) aux déchets finaux.

Il faut, grâce à des analyses du cycle de vie, mesurer les effets sur l’environnement en termes de rejets de gaz à effet de serre (extraction des minerais, fabrication et transport), de destruction des sols et de la biodiversité par l’extraction de minerais, du recyclage ou non de ces déchets technologiques… Or, il y a encore beaucoup d’incertitudes sur qui produira, où, à partir de quelle base énergétique, quels seront les usages… Pour le numérique, cette évaluation est d’autant plus complexe qu‘il s’agit d’une technologie dématérialisée. Il est par exemple très dur de définir l’équivalent CO2 d’un envoi de mail selon s’il est envoyé par un serveur français ou non, par wifi ou filaire…

Des téléphones portables 4G obsolètes ?

Grâce aux études du cycle de vie menées jusqu’à présent, on sait cependant aujourd’hui que la production et la fabrication de ces objets numériques consomment autant d’énergie que l’usage de ces objets (*). Il est du même ordre de grandeur. Cela est vrai, sachant que les gens en moyenne changent désormais de téléphone portable tous les 18 mois. Si on le gardait 3 ans, l’impact écologique serait alors moindre. Avec l’arrivée de la 5G (nos téléphone portables 4G actuels n’étant pas tous compatibles), cela va obliger les gens à en changer, ce qui se traduira par une hausse de la fabrication et donc de l’impact écologique. La 5G risque aussi de stopper le développement « vertueux » actuel du marché de seconde main, soit l’achat de matériels d’occasion. Tous les portables 4G auraient ainsi du mal à être revendus.

Moins de consommation électrique ?

A chaque déploiement d’un nouveau réseau, se produit un phénomène d’empilement et la consommation électrique augmente.

Les opérateurs et lobbies avancent en effet l’argument que la 5G sera moins consommatrice en électricité (**). Dans leurs calculs, ils oublient cependant de prendre en compte la consommation électrique générée par le maintien des autres réseaux, notamment ceux de la 2G utilisé pour les appels voix ou celui de la 4G qui permet l’accès à des données sur Internet. On peut envisager de couper la 3G mais pas les autres. Au final, cela entraînera donc une hausse de la consommation d’énergie.

Un effet « rebond » lié à de nouveaux usages ?

La 5G est une démarche industrielle pour créer de nouveaux besoins qui n’existent pas aujourd’hui, donc il y aura un effet rebond sur l’usage numérique. L’idée de la 5G est d’aller, avec une puissance de débit supérieur, vers l’internet des objets notamment pour développer les voitures connectées mais aussi le pilotage à distance d’objets connectés en domotique, du streaming de très haute qualité…

Tout peut dépendre cependant de l’adhésion ou non des gens à ces objets connectés et à ces nouveaux usages mais on voit bien que nous sommes dans une logique du « toujours plus », une course en avant.

Avec la 4G, qui a permis de pouvoir regarder des vidéos en ligne n’importe où et n’importe quand (ce qui par ailleurs représente 80 % de l’impact écologique des flux de données**), l’adhésion a été massive. Face au réchauffement climatique et à la crise écologique, le mot d’ordre de tous les experts est d’aller vers la sobriété numérique, et là, avec l’arrivée de la 5G, ce n’est pas le cas ».

Marianne Peyri

(*) Rapport Lean ICT : Pour une sobriété numérique du Shift Project 2018

(**) Selon les opérateurs en télécommunication, une antenne 5G consommerait 3,5 fois plus d’électricité qu’une antenne 4G mais offrirait des débits dix fois plus élevés. Elle serait donc plus efficace pour un même volume de données traitées. Ces antennes 5G pourraient de même se mettre en veille, contrairement à celles de la 4G, et adapteraient la consommation au plus juste des besoins.

En savoir plus :
Eco  Info
Annabelle Collin

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