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En juin 2017, Donald Trump annonçait la sortie des États-Unis de l’Accord de Paris. La nouvelle, attendue par la plupart des observateurs, inaugurait une longue liste de processus multilatéraux dont Washington allait progressivement se retirer

Le 4 novembre 2020, au terme du délai légal de trois ans nécessaire à leur sortie, les États-Unis se retiraient formellement de l’Accord. Dès le lendemain, Joe Biden annonçait que sa première décision en tant que président serait d’y faire revenir son pays. La nouvelle était accueillie avec enthousiasme partout dans le monde – l’ancienne secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations unies sur le Changement climatique (CCNUCC), Christiana Figueres, en fonction au moment de la signature de l’Accord de Paris, se filmait même en train de faire des bonds de joie dans son salon.

L’élection de Joe Biden est indéniablement une excellente nouvelle pour la coopération internationale contre le changement climatique. Sous Barack Obama, les États-Unis s’étaient engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 26 à 28 % sous leur niveau de 2005 d’ici 2025 : la présidence de Donald Trump, marquée par quatre années de déni du changement climatique et de soutien aux énergies fossiles, les a considérablement éloignés de cet objectif, qui semble aujourd’hui hors d’atteinte.

Joe Biden a quant à lui proposé un plan de 2000 milliards de dollars d’investissements dans les énergies renouvelables et les infrastructures peu carbonées, avec un objectif de neutralité carbone d’ici 2050. Au-delà des actions engagées sur le plan domestique, on peut également s’attendre à un soutien financier renouvelé à la recherche sur le climat, que ce soit à la NASA ou au GIEC, dont les financements avaient été sérieusement amputés par l’administration Trump.

Vidéo présentant le plan Biden pour l’énergie et le climat. (Joe Biden, juin 2019).

Et la décision de revenir dans l’Accord de Paris au premier jour de la présidence de Joe Biden, qui pourrait prendre effet dès le 20 février 2021, serait évidemment un signal très fort en faveur du multilatéralisme, qui avait été balayé par le précédent président. Le retour des États-Unis permettrait à l’Accord de Paris de retrouver son caractère universel, qui constituait la pierre angulaire de celui-ci – seuls les États-Unis, sur les quelque 200 pays qui avaient signé l’Accord, s’en étaient retirés.

Surtout, on peut imaginer que le retour américain incite d’autres pays à revoir à la hausse leurs ambitions dans la lutte pour le changement climatique : la COP26 – qui doit se tenir à Glasgow en novembre 2021 suite à un report d’un an en raison de la pandémie de Covid-19 – devra précisément enregistrer de nouveaux engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2030, et seuls 14 pays ont annoncé de tels engagements à ce jour.

Un retour pas forcément gagnant

Mais l’enthousiasme général déclenché par la victoire de Joe Biden nous rend aussi aveugles à des risques liés au retour des États-Unis dans l’Accord de Paris.

Ce sont ces risques que je voudrais mettre en lumière ici.

Rappelons tout d’abord que le but principal de l’Accord de Paris est de fixer un cadre clair et durable à la coopération internationale dans la lutte contre le changement climatique. C’est aussi un signal clair de stabilité qui est envoyé aux marchés et aux entreprises. Les atermoiements liés à la mise en œuvre du Protocole de Kyoto, entre 1997 et 2005, avaient considérablement atteint la crédibilité de celui-ci, et retardé les investissements dans l’économie à bas carbone. Il est donc essentiel que l’Accord de Paris bénéficie de la stabilité et de la crédibilité qui avaient tant manqué au Protocole de Kyoto.




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Avant que Donald Trump ne mette à exécution sa menace de sortir de l’Accord de Paris, une centaine de chefs d’entreprises américaines, y compris certaines parmi les plus polluantes comme Exxon Mobil ou DuPont, avaient écrit au président pour l’exhorter d’y rester : ce que ces entreprises craignaient encore davantage que la contrainte de réduire leurs émissions, c’était l’incertitude et l’instabilité qu’une sortie américaine de l’Accord allait immanquablement générer. C’est ainsi qu’un retour des États-Unis, paradoxalement, pourrait aussi affaiblir l’Accord de Paris, en accréditant l’idée que la participation du deuxième émetteur mondial de gaz à effet de serre dépend du résultat de ses élections présidentielles.

Une telle dépendance du processus de coopération internationale aux aléas de la politique américaine serait un signal désastreux envoyé aux marchés et aux entreprises.

Ensuite, il est important de souligner que la participation à l’Accord de Paris n’est en rien nécessaire pour décarboner son économie. Aux États-Unis, de très nombreux leviers de la lutte contre le changement climatique se trouvent d’ailleurs dans les mains des maires et des gouverneurs – les villes et les États fédérés avaient d’ailleurs redoublé d’efforts pour compenser le déficit d’action climatique sous la présidence Trump. Il ne faudrait pas qu’un retour américain dans la coopération internationale soit un trompe-l’œil pour camoufler les faiblesses de l’action fédérale, ce qui risque d’être le cas si les républicains conservent la majorité au Sénat ; d’autant plus que l’Accord de Paris ne prévoit aucune obligation contraignante de réduction des émissions.

Ambitions freinées

Il faut enfin rappeler, au risque de passer pour un rabat-joie, que les États-Unis n’ont jamais été un moteur des négociations internationales sur le climat – ils n’ont jamais accueilli aucune conférence des parties (COP), par exemple.

Pis encore, l’administration américaine – qu’elle soit démocrate ou républicaine – a souvent tenté de réduire la voilure de l’ambition collective. Ce sont les États-Unis, sous administration Clinton, qui ont imposé dans le Protocole de Kyoto les mécanismes de marché dont personne ne voulait. Ce sont encore les États-Unis, sous administration Obama, qui ont pris la tête du groupe de pays qui ont poussé pour que l’Accord de Paris ne contienne aucune obligation substantielle pour les États signataires.

La COP26 de Glasgow devra faire montre d’une ambition décuplée pour aligner les engagements des différents pays avec les objectifs de l’Accord de Paris. En septembre de cette année, la Chine a surpris tous les observateurs avec l’annonce unilatérale d’une ambition renouvelée, qui verrait ses émissions de gaz à effet de serre atteindre leur pic en 2030 au plus tard, pour atteindre la neutralité carbone en 2060. Le relèvement des ambitions sera au cœur des négociations pour les prochains mois. Un retour des États-Unis à la table des négociations pourrait brider ces ambitions, une fois dissipé l’enthousiasme de l’élection de Joe Biden.

Il sera difficile, en tout cas, de faire comme si rien ne s’était passé au cours des quatre dernières années.The Conversation

François Gemenne, Chercheur en science politique, spécialiste du climat et des migrations, Université de Liège

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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