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Les fausses informations naissent rarement spontanément, mais qui sont ceux qui les lancent? Réponse d’Aude Favre, fondatrice de la chaine de décryptage des fausses infos WTFake et présidente de l’association Fake Off, qui sensibilise collégiens et lycéens au sujet

« J’ai discuté avec une vingtaine de personnes qui produisent, lancent ou relaient de fausses informations. Le premier fait notable, c’est qu’ils étaient des hommes, à chaque fois !

Je me suis souvent demandé s’ils agissaient de manière cynique : je pense que, pour la plupart d’entre eux, ce n’est pas le cas. Frédéric Chaumont, par exemple, qui accuse l’Institut Pasteur d’avoir fabriqué la Covid, a l’air d’être réellement convaincu d’agir pour ses enfants et ceux des autres. 

En même temps, cela peut aussi être une façon de manipuler les gens facilement : « en relayant mon message, vous agissez pour l’avenir de vos enfants ». C’est une rhétorique qui revient beaucoup. Le complotiste Jean-Jacques Crèvecoeur, qui le répète souvent, attire à lui de nombreuses personnes âgées. 

Mais il y a aussi souvent une dimension très vaniteuse : il se crée une communauté avec des gens qui ont le sentiment d’avoir vu la lumière, il y a parfois un aspect un peu christique.

Chez certains, comme Johann Fakra, c’est une épreuve de vie qui fait basculer dans le complotisme. Dans une vidéo, il explique avoir survécu à un cancer, et combat depuis “Big Pharma” c’est devenu son cheval de bataille. Il a géré plusieurs dizaines de sites mensongers, et semble contribuer aujourd’hui à « quartierlibre tv ». 

« La périphérie contre le centre »

Aude Favre explique : « Parmi les objectifs des producteurs de fake news, je dirais donc qu’il y a celui de devenir une sorte de héros, un guide. »

Un gérant de la page « Anonymous France » de Facebook, ancien militaire, expliquait qu’après un grave accident, il avait été transformé, voire « transcendé » par le yoga.  

En somme, pour la plupart d’entre eux, j’ai le sentiment qu’ils ont trouvé un sens à leur vie en versant dans une sorte de paranoïa complotiste. Ils ont trouvé un ennemi à combattre, et ceux qui les suivent paraissent être dans la même démarche, ce qui d’ailleurs leur apporte une estime d’eux-mêmes. 

Parmi les objectifs des producteurs de fake news, je dirais donc qu’il y a celui de devenir une sorte de héros, un guide, quelqu’un d’important. Cette dimension-là me paraît fondamentale. 

Ensuite, il y a évidemment très souvent des motivations politiques. Ils veulent faire adhérer à leurs thèses des personnes de tous bords, très souvent en les orientant vers les extrêmes. Rudy Reichstadt, du site Conspiracy Watch, estime que le complotisme, c’est « la périphérie contre le centre », ce qui explique que l’extrême gauche et l’extrême droite se rejoignent souvent sur des mêmes théories complotistes. 

Combien de fois les producteurs de désinformation m’ont-ils enjointe à me réveiller ?! Mais quand on leur demande des sources sur ce qu’ils avancent, très souvent ils n’en ont pas. Il y a sans doute plus de cynisme chez ceux qui veulent tirer profit, politiquement, du complotisme. 

François Asselineau, par exemple, est paraît-il très cultivé en histoire ; cela ne l’empêche pas de faire croire aux gens que l’UE est un projet nazi. Dans ce cas précis, je ne peux pas m’empêcher de croire qu’il sait très bien qu’il ment. »

Retrouvez toutes les interviews de notre série sur l’esprit critique : lire ici.

Propos recueillis par
Jean Berthelot de La Glétais

 

Avec le soutien du ministère de la Culture

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