musique comme arme de torture

Triste mais vrai ! Une innovation a permis de façonner la musique en arme d’un nouveau genre. Une torture qui ne laisse aucune trace visible et qui marque les débuts de la guerre moderne, psychologique. Condamnée par les Nations-Unies, aucun texte, pourtant, ne légifère aujourd’hui sur cette pratique

Si plus de 20 ans de recherche scientifique ont montré les bienfaits thérapeutiques de la musique, d’autres s’en servent comme instrument de torture lors d’interrogatoires. Depuis la guerre de Corée, le monde fait la sourde oreille. Pourquoi ?

Un détournement cynique

Pendant la guerre de Corée, les Américains lancent des recherches pour protéger ses soldats contre l’utilisation méthodique faite de la musique pendant les interrogatoires menés par les Chinois et les Nord-coréens. Avec le Vietnam, la donne change. La CIA transforme le programme anti-torture en manuel des tortionnaires. En 2009, le scandale éclate avec la publication des « mémos de la torture ». Dans ces documents secrets, émis par la CIA sous George W. Bush, sont révélés au grand jour les protocoles utilisés, notamment à Guantanamo. Des musiques répétitives sont prescrites à des volumes très élevés et jusqu’à 72 heures d’affilées. Imaginez : 100 décibels, l’équivalent d’un marteau piqueur à proximité immédiate.

La musique peut-elle susciter des émotions négatives ?

Soumis à ce régime musical, impossible de réfléchir. Vous êtes réduit à l’état végétatif, prêt à faire et dire n’importe quoi pour vous délivrer de cet état de stress intense. Si le volume joue un rôle certain, la musique peut-elle susciter des émotions négatives ? Des chercheurs de l’Université Mac Gill à Montréal se sont penchés sur le sujet. En mesurant la conductibilité de la peau, la fréquence cardiaque et la tension artérielle, les musicologues ont montré que certaines musiques provoquaient des malaises, de la peur ou de la gêne. Cette perception ne serait pas liée aux goûts musicaux, ni à la culture mais à une structure du cerveau qui s’appelle l’amygdale.

Mieux vaut en pleurer qu’en rire

La première réaction, en 2009, n’a pas été l’indignation mais plutôt de l’amusement. Après tout, les prisonniers de Guantanamo pouvaient bien être torturés (comme nous) par des titres de Britney Spears. James Hetfield, du groupe Metallica, s’est même dit “fier” que sa musique soit “culturellement offensante” pour les Irakiens.  Quant au groupe de heavy metal, Skinny Puppy, il s’est surtout indigné de n’avoir pas avoir touché ses droits musicaux. Si les Nations-Unies ont adopté une Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en 1984, aucune de nos démocraties libérales n’a voté de lois à son encontre.

Pour Shane O’Mara, neuroscientifique, torturer avec de la musique ne marche pas. Il est impossible de faire appel à la mémoire des personnes soumises à la violence physique ou psychologique. « Elle ne peut donc survivre que comme sadisme », conclut-il.

Sophie Nicaud

Pour en savoir plus :
Documentaire Arte
– Livre : Pourquoi la torture ne marche pas de Shane O’Mara, Genève, Markus Haller, coll. « Condition humaine », 2018
– Site WEB : Les 11 titres les plus fréquemment utilisés par la CIA.

 

 

Image par Pexels de Pixabay

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