système immunitaire

Comment fonctionne notre système immunitaire et pourquoi, selon les individus, celui-ci ne réagit-il pas de la même façon face au Covid-19 ?

Entretien avec le philosophe des sciences, Thomas Pradeu, directeur de recherche au CNRS, membre du laboratoire ImmunoConcept à l’Université de Bordeaux, spécialiste de l’immunité et de l’identité biologique.

Comment se construit le système immunitaire de chacun ?

« Nous avons essentiellement trois étages d’immunité. Une, importante, est l’immunité dite « intrinsèque » à l’échelle même de la cellule. Face à un virus, n’importe quelle cellule peut indiquer au reste de l’organisme qu’il y a une infection. Elle va alerter et recruter. Nous avons tous également une immunité innée, qui se déclenche rapidement quand des pathogènes entrent dans l’organisme. Il y a enfin l’immunité dite adaptative, historiquement la plus étudiée et dont les acteurs principaux sont les lymphocytes et les anticorps. Elle se construit en fonction des pathogènes que l’individu rencontre tout au long de sa vie et est le soubassement de ce que l’on appelle la « mémoire immunitaire ». Face à une infection, dans les 5 à 15 jours, les lymphocytes sont sélectionnés et prolifèrent, permettant une réponse très spécifique au pathogène.»

Comment notre système immunitaire se renforce-t-il tout au long de notre vie ?  

« Par la rencontre de pathogènes ou la vaccination, le système immunitaire de chacun se renforce en effet, notamment via la « mémoire immunitaire ». Il va commencer à décliner chez les personnes âgées. Celles-ci ont également une inflammation chronique plus élevée et des cellules immunitaires moins efficaces. L’objet de mes recherches (1) a été de démontrer que notre système immunitaire se renforce également grâce à certains composants du microbiote, ces micro-organismes qui vivent dans ou sur l’organisme (bactéries, virus, parasites, champignons…) que l’on considérait jusqu’alors comme des « corps étrangers ». Au lieu d’être rejetés, ils peuvent être au contraire tolérés, accueillis par l’organisme ; certains de ces microorganismes nous sont utiles en stimulant notre système immunitaire. Ils ont un rôle plus important qu’on ne croit. »

Thomas Pradeu, directeur de recherche au CNRS, membre du laboratoire ImmunoConcept à l’Université de Bordeaux, spécialiste de l’immunité et de l’identité biologique.

Les réponses différentes face au Covid-19 pourraient-elles s’expliquer par des microbiotes différents selon les individus ?

« En effet, je défends une hypothèse que ces différences entre individus pourraient être aussi liées à la présence ou non d’autres virus dans le corps. Nous avons tous, en nous, au moins une dizaine de virus dits « résidents ». Par exemple, le cytomégalovirus ou CMV de la famille des virus herpès est présent chez plus de 80% des êtres humains … Or, on sait que ce virus joue un rôle immunitaire important, stimulant de nombreux pans de notre immunité. Les travaux de Mark Davis ont montré que le vaccin contre la grippe était plus efficace chez les personnes porteuses du CMV. Être affecté par d’autres virus ou micro-organismes peut donc être utile. D’autres études suggèrent que la disparition de parasites intestinaux aurait, aussi, par exemple, favorisé le développement de maladies auto-immunes. Il y a donc des études à mener sur le rôle joué par le microbiote dans l’immunité. On ne plus penser l’immunité à l’aune de « soi » mais avec une vision plus large et ouverte.»

 

 (1) « Limites du soi. Immunologie et identité biologique » (Les Presses de l’université de Montréal/Vrin, 2010), Thomas Pradeu.

« L’Identité, la part de l’autre : Immunologie et philosophie » (Odile Jacob, sciences, 2010) Edgardo D. Carosella, Thomas Pradeu.

 

 

Propos recueillis
par Marianne Peyri

 

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Image par Katja Fuhlert de Pixabay

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