préhistoire

C’est imparable : on vous dit préhistoire, vous pensez steak de mammouth et grands coups de massues dans la trogne. Pour vous, la préhistoire, c’est un peu ambiance Mad Max sans pétrolettes. Violence à tous les étages.
En fait, c’est sans doute une immense période de paix. Relative mais réelle.

Pendant la préhistoire, on trouve très peu de marques de violence selon Marylène Patou-Mathis, directrice de recherche au CNRS qui a écrit un livre sur le sujet, en compilant toutes les analyses des os trouvés lors de fouilles archéologiques sur une aire et une durée importante.

Très peu de traces d’os entamés par des lames ou des silex, peu de traces de violence inter-humaine en général. Alors bien sûr, l’homme paléolithique ne vit pas dans un environnement ultra-sécurisé. La violence est omniprésente mais elle est due essentiellement à la nature qui est loin d’être sous contrôle. La nature étant déjà assez dure comme ça, inutile d’en rajouter…

De l’entraide face à une vie difficile

Au contraire même, selon la chercheuse, il y a de nombreux signes indiquant que, malgré (ou peut-être même grâce ?) à ces conditions de vies difficiles, il y avait une véritable entraide et une solidarité très forte. Des ossements découverts sur le site Atapuerca (Espagne, -420.000 à -300.000 ans) sont ceux d’un enfant avec un très lourd handicap mental et physique. Et malgré tout, ce squelette est celui d’un enfant de 8 ans, mort à cause de ce handicap. L’homme paléolithique ne se débarrassait pas des siens affaiblis, même si leur gestion pouvait présenter une charge non négligeable pour la communauté.

Dans la majorité des cas, les blessures graves sont cicatrisées au moment du décès, preuve que les gens n’étaient pas abandonnés mais soignés autant que possible.

10 % des lésions au crâne

Alors bien sûr, on n’était pas non plus dans une communauté peace and love. Une autre étude allemande de l’Université de Tübingen montre qu’environ 10% des lésions sont des lésions au crâne, ce qui tendrait à montrer une volonté de faire mal. Sans pour autant que ce soit une preuve : une grande partie pourrait être liée aux conditions de vie dangereuses de l’époque.

Bref, on n’est pas chez des saints. On estime qu’il y a des énervements, des querelles, des brutalités mais qui ne dégénèrent qu’exceptionnellement vers une volonté de tuer.

La première preuve formelle de violence volontairement meurtrière est attestée sur le Site 117, à la frontière entre l’Égypte et le Soudan actuels. Cinquante neuf corps présentant des traces de violence (coups à la tête, pointes fichées dans le corps…) ont été retrouvés là, datant d’une période comprise entre -13.100 et -14.300 ans. A l’époque, il existait un contexte de pression démographique et d’aridification qui auraient pu rendre ce coin de la vallée du Nil particulièrement tentant. On est à la fin du paléolithique et c’est la seule preuve de violence meurtrière sur toute cette période.

Pour beaucoup, ce sont les conditions particulières du néolithique qui rendent la guerre possible, ainsi que les crimes isolés : la sédentarisation de l’époque permet l’accumulation de biens. Les uns ont envie de les dérober, les autres de les défendre. De même, le développement d’un commerce à l’âge du bronze autorise l’acquisition de biens de prestige ainsi que de métal pour les armes. Les premières manifestations du « capitalisme » seraient donc concomitantes avec l’irruption d’une violence organisée.

La préhistoire : période de progrès ou recul ?

Alors pourquoi a-t-on fait de la préhistoire une période brutale dans l’imaginaire collectif ? Tout simplement parce que les premiers archéologues et spécialistes de la préhistoire, au XIXe siècle, sont des hommes de leur époque : ils n’envisagent l’Histoire que comme un progrès constant de l’Humanité et jugent que si la violence règne à leur époque, cela ne pouvait qu’être pire avant eux.

Ils ne peuvent pas envisager les relations autrement qu’en terme de défense de territoire. Pour eux, si des branches de l’humanité se sont éteintes, comme Néandertal, c’est fatalement parce qu’elles ont été envahies et exterminées par d’autres. Nous voilà donc avec un fardeau d’idées reçues sur les bras et une image de marque déplorable pour l’homme du paléolithique. Alors qu’il était sans doute plus doux qu’un Parisien un jour de grève de la RATP.

Jean-Luc Eluard

Image par Welcome to all and thank you for your visit ! ツ de Pixabay

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