On peut éventuellement donner sa langue au chat, à condition que ce soit un poisson-chat, mais est-on certain qu’il puisse à son tour nous donner la sienne s’il ne répond pas ? D’autant que, c’est bien connu, l’animal est réputé peu bavard.
Voilà donc une utilisation en moins pour son éventuelle langue.

Pour les autres utilisations de la langue commune à tous les mammifères, les poissons n’ont pas forcément une plus grande utilité de la leur : la déglutition salivaire ne leur sert à rien puisqu’ils n’ont pas de salive, et la mastication, guère mieux, puisqu’ils avalent généralement leur nourriture d’un bloc.

Et pour les papilles gustatives, alors que pour nous, presque toutes sont concentrées sur la langue, les poissons ont trouvé des emplacements plus originaux : sur les barbillons autour de la bouche et même plus loin sur le corps, ce qui leur permet de goûter les choses à distance, puisque l’eau transmet les saveurs. Pas besoin d’entrer au resto, ils ont inventé le vrai lèche-vitrine nutritif…

Malgré tout, une partie d’entre eux possèdent une langue. Pas musclée et relativement autonome comme la nôtre, mais liée à un os. Bref, ça ne leur sert pas à grand-chose.

Plus de 1 500 sons

Pour autant, l’animal est un bavard et il parle plusieurs langues. Si pendant longtemps on a cru uniquement au monde du silence, c’est parce qu’on est un peu sourd.

Depuis une vingtaine d’années, les ichtyologues ont recensé plus de 1 500 sons répandus dans près de 30 000 espèces, et ça augmente constamment. La majeure partie servent à attirer des femelles, marquer son territoire, indiquer sa présence ou chercher des congénères, car, dans une mer comme la Baltique où les harengs font un boucan pas possible, il fait totalement noir dès 80 mètres de profondeur.

Le hareng et bon nombre d’autres espèces se servent de leur vessie natatoire pour « parler », cette poche d’air qu’ils gonflent à volonté pour monter ou descendre dans l’eau. Ils s’en servent alors comme d’un tambour ou modulent des sons en la dégonflant par la bouche ou l’anus (est-ce bien élégant de s’adresser ainsi à sa belle ?).

D’autres, comme le poisson-clown (Nemo…) claquent des dents, et le poisson-crapaud est un vrai rossignol : comme les oiseaux, il est capable d’émettre deux sons en même temps, ce qui donne à son langage un degré de complexité  similaire à celui de certains primates.

Assorti à différents types de comportements (danse, toucher, changements de couleur ou d’aspect), c’est d’une véritable tour de Babel sous-marine qu’il s’agit, et certains scientifiques se demandent  même si les poissons ne sont pas capables de formes de communication plus élaborées que celles liées aux fonctions  vitales. Inutile donc de leur donner notre langue : ils font très bien sans.

Jean Luc Eluard

Chronique réalisée en collaboration avec le Mag de Sud Ouest.
http://www.sudouest.fr/lemag/

Crédit photo : Ruth Caron

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