La singularité des vins de Bordeaux semble entretenue jusque dans les termes. Aux blancs, rosés et traditionnels rouges, il faut ajouter ici le clairet. Cela peut relever du snobisme car pour le profane un clairet est un rosé foncé ou un rouge clair.
Et pourtant, il suffit d’y tremper ses lèvres pour goûter à la différence. Pour la saisir, il faut se pencher sur la vinification.

Le rosé peut être obtenu par deux techniques. La plus utilisée aujourd’hui est le pressurage. C’est-à dire qu’on presse les cépages rouges et on laisse en contact le jus obtenu avec les peaux. On obtient des rosés très clairs, comme ceux de Provence, si cette phase est courte (deux heures).

L’autre technique dite de saignée permet un contact plus long : on met dans la cuve les baies comme on le ferait pour les rouges avant de « saigner » la cuve. C’est-à-dire de séparer le jus des parties solides par tirage. C’est cette dernière technique qui est employée pour obtenir un clairet. Il peut rester dans la cuve de douze à vingt-quatre heures (parfois quarante-huit) selon les millésimes. Grâce à ce procédé, le clairet est plus tannique que le rosé et peut se garder plus longtemps.

Surtout, le clairet en ressort avec plus de structure et de corps que lesdits rosés. Il se distingue aussi des rouges par son aspect plus souple et fruité.
Bref, le clairet n’est pas un rouge et certainement pas un rosé… c’est un clairet.

Le french claret, so british

En revanche, on peut dire que le clairet est l’ancêtre des bordeaux rouges. De quoi semer la confusion… Pour cela, il faut accepter que les Anglais aient pu contribuer au développement du plus célèbre des vignobles français.

L’Aquitaine devenant anglaise en 1152, par le mariage d’Aliénor et Henri II, les vins de Bordeaux sont adoptés outremanche dès le Moyen âge. Peu macérés, ils sont dénommés french claret, les distinguant ainsi des vins plus sombres de la péninsule Ibérique.

Après la défaite de Castillon, les Anglais se tournent vers les vins de Bourgogne, voire les vins du Douro, mais la bonne société reste attachée aux bordeaux. Les Bordelais s’adaptent, sous l’impulsion d’Arnaud de Pontac propriétaire de Haut-Brion, en produisant un vin plus concentré et pouvant vieillir. Le clairet disparaît peu à peu.

Il renaîtra en 1950, avec la création d’une AOC, grâce à l’action d’Émile Peynaud à la cave de Quinsac.
Avec un peu de chauvinisme, on peut dire que le rosé ne se boit que l’été quand le clairet peut durer toute l’année.

 

Alexandre Marsat

 

Chronique réalisée en collaboration avec le Mag de Sud Ouest.
http://www.sudouest.fr/lemag/

Crédit photo : Pierre Baudier

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